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mardi 27 août 2019

Le Mari de mon frère t1 à 3 - Tagame Gengoroh

Voilà un titre que j'avais repéré depuis un certain temps déjà, et je pensais à la couverture qu'il s'agissait d'une petite fille qui pour une raison quelconque, habitait avec son frère aîné et le mari de celui ci, et des difficultés sociales de cette famille hors du lot, mais .. pas exactement.

De fait, il y est question de mariage pour tous, mais..plus que celà.


Pour planter le décor, Yaichi est un japonais tout ce qu'il y a de plus normal, à ce détail près qu'étant divorcé, c'est lui qui a la garde de sa fille Kana, 7 ou 8 ans, et non sa mère. Et un père divorcé qui a la garde de son enfant (même si dans le contexte, c'est logique: il a plus de temps, car il est propriétaire d'appartements qu'il loue, un travail qu'il fait le plus souvent à domicile, tandis que son ex-femme a une travail très prenant), c'est déjà plutôt rare.

Et donc ce duo père - fille reçoit un jour la visite de Mike, gigantesque canadien au look de bûcheron.Mike n'est autre que le mari, ou plutôt le veuf de Kyôji ,frère jumeau de Yaichi, décédé un mois plus tôt dans un accident. et ce veuf part donc en pèlerinage en mémoire de Kyôji sur les lieux où il a vécu. La situation gène un peu Yaichi, d'autant que Kana insiste pour que son tonton reste avec eux le temps de son séjour, et n'aille pas à l'hôtel. Mais Yaichi est un homme intelligent, qui se rend compte que ses quelques poussées d'homophobie du début sont, une construction sociale qui n'a rien a voir avec la personne qu'est- réellement Mike, authentique type bien et chaleureux, qui fait tout pour déranger le moins possible et se couler dans le mode de vie japonais en faisant oublier qu'il est " gaijin". Et d'ailleurs Kana est d'emblée conquise par ce tonton " qui vient d'un pays où il y a son nom, le "Kanada". Chose qui achève de convaincre Yaichi d'essayer de voir les choses non comme un adulte formaté par la société, mais comme un enfant, comme elle sont. Et à rétrospectivement se demander comment son frère a pris réellement son absence de réaction à l'annonce de son homosexualité, et comment lui prendrait la chose si Kana adulte lui présentait une petite amie.
Donc de saines réflexions.


Lorsque Kana dit que c'est bizarre que deux hommes puissent se marier ensemble eu Canada, mais pas au Japon, ce qu'elle dit en substance, c'est : " trop bizarre que les lois ne soient pas partout pareilles".
Quand elle demande " Mais alors entre toi et Kyôji qui est l'épouse?", elle fait évidemment référence au fait que habituellement , dans un mariage il y a quelqu'un qu'on appelle "mari" ( otto) et quelqu'un qu'on appelle " épouse" ( tsume), donc comment on fait quand les deux sont " otto" et est-ce qu'il peut y avoir des mariages à deux " tsume"?
Pas du tout au fait que ce soit bizarre que deux hommes ou deux femmes se marient ensemble, ou à leurs" rôles" dans le couple .
Evidemment, elle a 7ans, l'amour est une vague notion pour elle, alors la sexualité, n'en parlons pas, elle part du principe " bah, lorsqu'on se marie, c'est parce qu'on s'aime c'est logique.

Car oui, au delà de la thématique gay, il y est aussi question de deuil et de xénophobie. Mike est un étranger, et c'est presque aussi gênant que son orientation aux yeux de certains.


Et les regards en coin, à chaque voyage au Japon, j'en ai eu, sur ma tronche d'occidentale. Surtout qu'étant assez ronde, je ne corresponds pas à l'image d'épinal de la française vhculée par les films, je ne suis ni Carole Bouquet, ni Catherine Deneuve, on me prend à priori pour une américaine et donc, pas la bienvenue depuis la seconde guerre mondiale.
Parce qu'en général à la seconde où quelqu'un a eu le courage de venir me parler et après que je suis française, c'est la détente et la salve de questions sur Paris ( heu, 90% de la population française habite ailleurs, vous savez:D).

Mais le fait est que la xénophobie au Japon est liée à l'histoire récente d'une part et à l'idée que "un étranger ne connaît pas les codes sociaux, il va faire n'importe quoi, nous embarrasser et ce sera la honte sur 15 générations". il est vrai que les groupes de touristes qui arrivent à 50 font souvent n'importe quoi, mais globalement, ce n'est pas une méfiance de l'Etranger à cause de sa nationalité, mais plutôt à cause de sa supposée méconnaissance des codes sociaux japonais ( bon, il est vrai qu'il y a de sombres tartes comme ceux qui demandent le retrait des svatiska indiquant les temples bouddhistes sur les plans parce qu'ils y voient une croix gammée. Prouvant de fait qu'ils viennent en asie sans s'être un minimum renseigné sur la culture locale, et qu'ils ne connaissent rien à l'histoire mondiale non plus car ils sauraient ce qu'est une croix gammée et comment la différencier d'un symbole bouddhiste). Ce n'est pas vraiment, hors groupuscules politiques, une détestation globale de l'étranger.
Et entre mon premier voyage en 2007 et mon dernier en 2013, j'ai vu les choses évoluer: plus d'affichage en anglais, plus de prospectus en plusieurs langues..et les choses vont encore s'améliorer l'an prochain avec les JO de Tokyo, et l'arrivée massive de touristes, avec le vieillissement de la population qui impose un recours aux travailleurs venus des pays voisins. Le Japon va devoir en passer par une plus grande acceptation des étrangers, c'est nécessaire... Et qui dit arrivée d'étranger dit rencontres et mariages internationaux, et enfant binationaux aussi.

En tout cas je remercie l'auteur d'avoir fait un portrait très juste de Mike, un peu cliché du bûcheron canadien, mais pas du tout cliché de la grande folle.
Un homosexuel réaliste mais surtout présenté comme un personnage qui a bien d'autres caractéristiques : débonnaire, passionné par la culture du Japon, amateur de nourriture locale, de voyage, serviable.. son orientation sexuelle est le point de départ mais il n'est pas résumé à ça et ça fait bien plaisir. Un personnage qui ressemble aux gens que je connais dans la vraie vie, à mes amis... un portrait au final très respectueux.

Ce qui m'a fait penser (en plus de la manière très masculine dont sont représentés les hommes) que l'auteur était concerné de près.
Bingo, c'est un militant de la cause LGBT, et un auteur de mangas gays plutôt axés.. violence et SM. Celui-ci est un manga pour tous, absolument pas réservé à un public averti, et franchement j'espère qu'il le poursuivra, car déjà,qui dit plus de public dit une plus grande visibilité, et finalement il se débrouille bien dans le genre tranche de vie humaniste. Sans être le manga de l'année - il y a un côté un peu didactique car le public visé est justement celui qui n'est pas directement concerné, les hétérosexuels qui ne se sont jamais vraiment posé de questions - il y a une justesse de ton qui me plaît, et des réflexions plus profondes qu'il n'y parait, sur la société japonaise où l'homophobie ne semble pas exister.
Ne SEMBLE pas exister, tout est là. On ne fait pas parler de soi, c'est impoli, donc si on sort du placard, c'est le plus souvent au sein de la famille proche, et c'est tout, la société fera en sorte d'ignorer poliment cet état de fait..ce qui veut dire que bon, c'est toléré, mais pas franchement accepté, au nom de la discrétion. Pas formidable non plus comme situation: ça existe, on le sait, mais on n'en parle le moins possible car il est inconvenant de parler de soi ( comme il est inconvenant de parler d'autres sujets épineux: la dépression ou l'alcoolisme par exemple, ou tout ce qui peut déranger l'apparente harmonie de la société)

Donc, je n'ai pu lire que les 3 premiers tomes, car le 4° et dernier en date est sorti des rayonnages de la bibliothèque, il doit y revenir le 30 août, donc s'il n'est pas réemprunté, ou prolongé dans la foulée, je pourrai le lire avant de partir de Belgique.
D'ailleurs ma mère (72ans) arrive demain et je pense que ça l'intéressera de le lire, elle est aussi sensible que moi à ce genres de sujets.

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