qui vient ici?

Flag Counter

dimanche 16 août 2015

Hanafuda, le jeu des fleurs - Véronique Brindeau

Entre deux ouvrages plus conséquents, voilà un petit livre prêté par mon pote Sylvain, ça fera du bien après tous ces monstres, ces bombes et ces catastrophes.

Le Hanafuda est un jeu de cartes très connu au Japon, et si les cartes en général ( karuta, le nom indique déjà une provenance européenne) sous la forme d'un rectangle cartonné est bien importé, la plupart des jeux dérivent d'autres jeux plus anciens: le Hyakunin Isshu qui consiste à assembler les deux morceaux d'un poème imprimé sur des cartes dérive d'un jeu de paire très ancien qui consistait à reconstituer un coquillage divisé en deux. Autant dire que pour retrouver les deux coquilles qui correspondent exactement dans un ensemble de coquilles qui se ressemblent beaucoup, il faut avoir l'oeil.
Dans le Hanafuda, les cartes ne portent pas comme en Europe des symboles codifiés ( couleurs, chiffres ou figures), invariables d'un pays à l'autre et multi usages - peu importe si le jeu est fabriqué en Allemagne, France ou Espagne, il servira tout pareil pour une belote, un rami, une bataille, un poker..- là les cartes sont vraiment spécifiques à ce jeu là et représentent des plantes et fleurs., en lien avec les mois de l'année. Le but du jeu est de rassembler soit les cartes d'un seul et même mois, soit des cartes de valeurs similaires. Le décompte des points expliqué dans le livre est un peu complexe à priori, Mais dans le fond, une fois mémorisées quelle plante correspond à quel mois et quelles sont les cartes qui valent 1, 5 ou 20 points, ça ne semble pas plus compliqué qu'un rami qui est aussi basé sur des combinaisons.
La chose intéressante c'est qu'outre le principe du jeu, ce petit livre nous explique quelle plante correspond à quel mois, et pourquoi le mois de juillet est représenté par le lespédèze, un buisson automnal. D'autre part le jeu fait référence, sans un mot à des textes célèbres, souvent des tanka ou haiku, que beaucoup de gens connaissent au Japon ( imaginez un jeu de carte français dont des carte représenteraient au hasard un renard.. il faudrait alors l'apparier avec le corbeau, le bouc et les raisins, tandis que le loup serait associé au chien et à l'agneau, etc.. je sens que je tiens un concept, là!!)
Et même sans connaitre par coeur les poèmes auxquels il est fait référence les associations telle fleur = telle saison sont devenues suffisamment célèbres pour que les joueurs les retrouvent sans même y penser.

Janvier = le pin (matsu) L'année commence par un arbre de bon augure qui symbolise la longévité, associé à la grue, de même signification

Février = le prunier ( ume) arbre venu de Chine au VIII° siècle et qui a été très apprécié dans la haute société, associé au rossignol dans un poème du X° siècle
Mars = le cerisier ( sakura) arbre local, considéré au moyen-âge come trop banal et rustique, mais qui a depuis dépassé en popularité le prunier. Cette fois c'est un rideau qui figure sur la carte associé: le rideau qui permet de s'isoler pour admirer tranquillement, seul ou entre amis les fleurs lors de la fête de Hanami, sans être dérangé
Avril = la glycine ( fuji) pour sa floraison opulente et très parfumée qui indique que ça y est c'est vraiment le printemps. elle s'apparie avec le coucou ( l'oiseau, pas l'autre plante) dans un poème, c'est donc un coucou qui est représenté sur la carte à 20 points C'est bien ma chance, mon mois de naissance est symbolisé par une plante dont je suppote difficilement l'odeur trop forte .
Mai = l'iris ( kakitsubata), associé avec une petit pont qui fait référence à un texte des contes d'Ise
Juin = la pivoine et le papillon représentant la joie, l'exubérance, la légèreté..
Juillet = le lespédèze, une plante d'automne parce qu'à l'origine, le 7° mois était le 7° mois lunaire , et donc correspondant plutôt au début d'automne qu'au plein été. De même que le sanglier qui lui est associé qui fait référence à la période de la chasse.
Comme je suis une bille en botanique et que je n'ai aucune notion de ce à quoi ressemble un lespédèze ( décrit comme un délicat buisson à petite fleurs mauves qui bougent au moindre vent), merci le net:
Aout= le miscanthe et la pleine lune. La plante prend une couleur plus ou moins argenté sous la lumière de la lune d'automne ( encore le fait que l'année civile ne correspond par à l'année lunaire) et c'est une fois de plus aux contes d'ise qu'il est fait référence, il va falloir que je me les procure.
Ah, oui... là encore, ça n'est pas très connu en Europe, et si tout le monde ou presque  a une vague idée de ce à quoi ressemble un cerisier, ce n'est pas le cas pour le miscanthe. Je l'aurais facilement confodu avec l'herbe de la pampa.
Septembre = le chrysanthème associé à une coupe de saké. Faut-il rappeler que le chrysanthème n'a pas la connotation associée à la mort qu'il a en France, mais qu'il est au contraire très valorisé en temps que plante symbole de la famille impériale. si vous y allez en voyage, vous verrez ce symbole très souvent, notamment sur les façades de temples et tuiles décoratives.
Octobre = l'érable et le cerf en référence à un poème de Shin Kokinshû. Cette fois, la plante et le symbole de la chasse correspondent à nouveau à la saison réelle.

Novembre = le saule et le poète ( simplement un homme en costume ancien sous un parapluie, accompagné d'une grenouille) qui racontent l'histoire d'un lettré qui a échoué plusieurs fois à un concours de poésie et, sur le point de se décourager, retrouve la motivation en regardant une grenouille qui après plusieurs échecs finit par attraper sa proie.  j'aime bien cette histoire, tiens..
Kyoto 2014,  certes tout le monde connait le saule, mais pour une fois j'ai une photo perso qui y correspond ..
Décembre = le Paulownia et le phénix. L'année commence par les symboles de la longévité et se terminent par celui du renouveau ( arbre du printemps) et de l'immortalité (animal mythique)
Avec son nom que j'aurais écrit "Polonia", je pensais que c'était plutôt une plante d'Europe centrale, comme quoi on en apprend tous les jours!

samedi 15 août 2015

Le mois o-bon - récapitulatif



Puisqu'il y a déjà au moins un autre participant  des autres participants, sugoï desu ne!! à mon challenge, voici un récapitulatif des billets qui sera mis à jour au fur et à mesure..

Ici-bas:

Haikyo, l'exploration urbaine
Yokai attack! - Yoda Hiroko
Les tengu 
Les Kappa 
Les Tanuki
Yamishibai, le théâtre de l'horreur 
Il y a 70 ans.. visite à Hiroshima
Il y a un an, Hiroshima
La montagne radieuse

Au délà:

chez Sylvain il y a des fantômes
1- la légende d'Okiku, le fantôme qui compte les assiettes
2- Iga no Tsubone, la noble dame qui n'a pas peur d'un fantôme
3- Takiyasha-hime, la sorcière qui invoque O-Dokuro
4 - Mononoke ( anime)
5- Monstres d'Hokusai 
6- Yoshitoshi et le surnaturel 
7- magiciens de papier

Chez Marjorie, il y a aussi des fantômes
Ring 
Rental Hearts t.1

Chez Yoda il y a des loups-humains, ou des humains-loups
 Les enfants loups t1 (manga)

Chez Hilde, il ya des ghostbusters nippons
Ghosthunt ( série animée)

jeudi 13 août 2015

la montagne radieuse - Genyû sôkyû

Non je n'en ai pas tout à fait fini avec les ravages de l'atome.. mais cette fois on fait un bond en avant jusqu'en mars 2011. L'auteur est un veilleur de temple ( je ne connais pas la hiérarchie bouddhique, je suppose qu'il s'agit soit d'un civil chargé de l'entretien courant du temple, soit d'un religieux assistant d'un bonze, je vois ça un peu comme un diacre dans le catholicisme) de la région de Fukushima, déjà écrivain avant la catastrophe, mais qui a ressenti le besoin d'écrire à ce sujet. Peut-être en se basant sur les récits qu'il a entendus des survivants accueillis dans son temple.

Le recueil compte six nouvelles d'ambiances très différentes:

la première, je traîne ton ombre, réaliste, se passe dans les premiers jours après le tsunami et met en parallèle des réfugiés qui tentent de survivre dans un refuge d'un côté, et un jeune diplômé devenu du jour au lendemain un paria, car il travaille chez Tepco. Le tout mis en relation avec la chanson un peu ringarde "minato machi blues".

La dernière, la montagne radieuse,se passe plusieurs décennies après la catastrophe dans une ambiance légèrement science fiction: après le tremblement de terre, le tsunami, et l'accident nucléaire, on apprend que Tôkyô s'est dépeuplée et que le mont Fuji est entré en éruption. Dans cette ambiance apocalyptique,  le point de vue des gens à changé sur l'irradiation et des touristes font maintenant le tour des sites d'accidents nucléaires de la planète et viennent visiter les lieux, guidés par les descendants des victimes en espérant se gorger de radiations maintenant considérées comme bénéfiques pour la santé ( je suppose qu'il s'agit d'un clin d'oeil sarcastique aux Tchernobyl tour, circuits de visite de très mauvais goût en Ukraine)

Entre les deux, des récits qui vont en s'éloignant de la date du 11 mars 2011 qui mettent en scène différents aspects de la survie, souvent via les insectes, grillons, cigales, araignées d'eau ou mante religieuse, qui symbolisent la survie acharnée dans cette zone dévastée.

Dans les grillons, quelques semaines ont passé: Michihiko, fils déjà quadragénaire d'un bonze, vient de reprendre le temple où officiait son père, traumatisé par le fait d'avoir été emporté avec sa maison au fil de la vague et qui n'a survécu que par miracle. Mais maintenant incapable d'assurer le service. Michihiko se reconstitue une famille de fortune avec Aya, une femme qui pourrait presque être sa fille et qu'il a accueillie dans son refuge-temple-baraquement provisoire et Mii une petite fille tout aussi perdue qu'eux deux. C'est le retour des grillons qui va donner à ces trois survivants le courage d'affronter un futur qui s'annonce morose, dans un provisoire qui risque de durer.

Dans l'indignation de Kotarô, le petit Kotarô, 3 ans, est amené par sa mère au poste de police, pour procéder à un prélèvement ADN, qui pourrait être utile pour retrouver son père pompier, porté disparu depuis plus d'un an. Là aussi, après avoir hésité pendant un certain temps, la mère du petit garçon finit par accepter l'évidence: son mari ne reviendra probablement pas, letest ADN est une sorte de manière de fermer la parenthèse sur l'indécision , pour accepter et aller de l'avant.

Dans l'araignée d'eau, c'est Chiharu, partie depuis deux ans à Hokkaido avec sa fille, laissant son mari et sa meilleure amie Sayuri,  par peur des radiations, qui revient  au pays pour les fêtes d'O-bon. Elle n'a pas pu se mettre d'accord avec son mari, indécrottable optimiste qui refuse de quitter la région pour la rejoindre en prétendant qu'il n'ya rien à craindre.. La fête d'O-bon sera aussi l'enterrement de la relation de Chiharu avec son mari, ses amis et sa région d'origine.

Dans la mante religieuse, le sexagénaire Monsieur Yamaguchi s'est porté volontaire pour décontaminer les toits: il n'a plus rien à perdre, il a survécu au tsunami, alors qu'il était déjà malade d'un cancer, tandis que sa femme Seiko, encore jeune et en pleine forme est morte noyée. Sa seule consolation dans cette situation est de rependre une dernière fois son ancien métier d'organisateur de mariage pour son médecin traitant et d'organiser un mariage vraiment insolite, fait de bric et de broc, dans les baraquements de fortune où vivent le médecin et sa future femme en attendant la date prévue, il n'y a qu'une chose qui compte vraiment: aider la mante religieuse qu'il a trouvée dans son semblant de jardin à survivre le plus longtemps possible malgré les rigueurs de l'hiver dans la région de Sendai.

Ces nouvelles sont plutôt intéressantes par leur point de vue différents: selon le cas c'est l'inondation ou l'irradiation qui est au centre du problème. Les trois premières, les plus proches temporellement de la date fatidiques, sont plus axées sur le tsunami et les ravages immédiats, et pas si éloignées des témoignages dont je parlais au sujet de la bombe A. tant qu'on ne sait pas exactement ce qui s'est passé, ce sont les dégâts immédiats qui priment. La menace nucléaire concerne plutôt les trois suivantes, lorsqu'on prend conscience de la menace invisible, qui elle perdure alors qu'on tente de reconstruire après le passage du raz-de-marée. Il n'y a pas beaucoup de choix: la fuite ou le renoncement.
L'ensemble n'est pas sinistre. mais il est loin d'être joyeux. Je remarque cependant que, discrètement, l'auteur glisse ici et là dans la bouche de ses survivants des remarques assez acides sur le gouvernement et le mensonge. Auparavant il n'était pas de bon ton de contester au Japon les décisions gouvernementales, mais la contestation affleure ici et là.
Est-ce que la catastrophe de Fukushima va à son tour être à l'origine d'un nouveau mouvement littéraire, ou bien est-ce que des productions du type de celle -ci vont rester marginale, ou bien encore fusionner ( je n'aime pas employer ce mot dans ce contexte, mais je n'en vois pas d'autre) avec la littérature de la bombe A pour former une seule et même " littérature de l'atome"? Il est probablement encore trop tôt pour le savoir.
même raison que pour le Genbaku bunkaku: non seulement il est question d'une catastrophe qui a fait des milliers de victimes, morts ou sans-abris, mais 3 des nouvelles ( les grillons, l'araignée d'eau et la montagne radieuse font explicitement références aux fêtes d'O-bon et aux rites funéraires)

mardi 11 août 2015

Yokai à l'honneur (3) - Les tanuki

 Après ces quelques jours de billets plutôt tristes, on va détendre un peu l'atmosphère. Le yokai du jour n'est pas méchant, ni dangereux, plutôt du genre joyeux luron un peu envahissant. en tout cas, pas un qui cherche la bagarre ou essaye de manger les humains, pour une fois.

Les tanuki partagent avec leurs confrères les kitsune d'être de réels animaux, existant encore à l'heure actuelle ( mais pour combien de temps) et auxquels les légendes confèrent des pouvoir surnaturels.
Un tanuki réel, c'est ça:
Le chien viverrin, un canidé originaire de l'Asie orientale, acclimaté en Europe de l'est et Russie en élevage pour sa fourrure, mais des animaux échappés des élevages ont fini par s'y implanter et y prospérer. Mignonne boule de poil aux allures de raton-laveur qui est parfois vue en France, et considéré comme nuisible sous nos latitudes.

Pour les tanukis légendaires..


Je reparlerai de Pompoko dans un billet spécial sur le film.. mais d'ores et déjà, ceux qui l'auront vu en pensant regarder un mignon dessin animé avec leurs enfants auront probablement eu une drôle de surprise au sujet des particularités morphologiques de l'animal, qui peut changer de forme, prendre n'importe quelle apparences.. mais aussi utiliser une certaine partie de son anatomie de manière inattendue.

Et non, ce n'est pas un délire érotomane de Takahata, c'est une des caractéristiques bien connues de la bestiole mythique en question. Attention les amis, à partir de maintenant, que ça soit clair il va y avoir, des roubignolles à l'air, utilisées en parachute en couverture ou en filet de pêche ( les légendes orientales ne s'empêtrent pas de morale judéo-chrétienne , est-il besoin de le rappeler?)
Vous avez été prévenus!

et même lorsqu'il ne fait rien de particulier, le tanuki est, à l'image de son modèle réel, généreusement doté par la nature. Par l'association d'idée " généreusement pourvu = chance = prospérité", le tanuki est plutôt considéré comme farceur pénible, mais malgré tout bénéfique d'où ces représentations sous forme de statuettes ( ici je pense que c'est une boutique qui les vend.. ou alors un collectionneur vraiment forcené!) que l'on met devant sa porte, comme les maneki neko, une sorte d'amulette pour s'attirer la prospérité.

Le tanuki légendaire, donc n'est pas un dangereux fléau, plutôt un farceur qui aime jouer des tours aux humains, en utilisant en particulier son don de métamorphose. Certains yokai moins courants au japons sont parfois considérés comme étant simplement des tours joués par la tanuki, comme le nopperabo ( un humin apparemment normal, mais sans visage, résultat soit d'une transformation pas toit à fait réussie, soit d'une volonté de faire peur. Pas seulement aux humains d'ailleurs. Utagawa Kuniyoshi ( l'auteur de l'estampe au squelette qui me sert de logo)  leur a dédié une série d'estampes , en voici quelques-unes, éloignez les mineurs :D



 Oui, ils s'en servent vraiment pour tout et n'importe quoi...

Et où  en voir à part chez Kuniyoshi? L'oeuvre qui les met le plus en avant est , je l'ai déjà mentionné, le dessin animé Pompoko de Takahata. Qui se permet en plus cette citation directe de Kuniyoshi: les tanuki, pour essayer de faire fuir les humains qui s'approprient leurs forêts utilisent leurs dons de métamorphose pour faire apparaître de faux yokai, dont...

Des créatures mises en avant par Kuniyoshi, reprises par Takahata qui cite directement Kuniyoshi, la boucle est bouclée de manière magistrale.

Mais j'ai aussi trouvé "Uchouten Kazoku" une série animée récente ( 2013), d'après un roman du même titre, où il y a des tanuki et des tengu. qui ne va pas être facile à voir en France. Elle a été disponible apparemment un certain temps sur un site nommé Genzai qui avait acquis la licence, mais n'est plus accessible, le site ayant disparu aussi vite qu'il était apparu. En tout cas, plus accessible légalement...



samedi 8 août 2015

Il y a un an, Hiroshima - Tôhara Hisashi

Je parlais hier de Genbaku Bunkaku, en voila un exemple que j'ai pu trouver à la médiathèque. 60 pages, pas plus...

éditions Arléa
Il y a de grandes chance que vous n'ayez jamais entendu parler de cet auteur. Et pour cause, ce n'est pas un auteur au sens propre, il n'a même jamais su que son texte a été publié.
Tôhara Hisashi avait 17 ans lors de l'explosion de la bombe, il était lycéen, et comme beaucoup de jeunes de son âge, réquisitionné pour travailler le matin dans une usine, pour contribuer à l'effort de guerre. Ce jour là, il ne travaillait pas, car, suite à une coupure de courant, l'usine était fermée , les jeunes avaient quartier libre. Il s'apprétait à prendre le train avec un camarade lorsque c'est arrivé.
Pétri, d'idéaux et de grandes idées sur la politique de son pays, il aura suffit d'une journée pour que l'horreur le pousse à remettre en cause tout ce à quoi il croyait. Et découvrir en lui même des choses qu'il aurait préféré ignorer: la peur, la lâcheté.. car lorsque la survie est en jeu, la compassion n'est plus de mise, c'est chacun pour soi. Et rétrospectivement, il n'y a pas de quoi être fier d'être sauvé par la personne même qu'il envisageait l'instant d'avant d'abandonner à son triste sort. Mais peut-on le juger d'avoir choisi sa survie au détriment de l'entraide dans une circonstance aussi terrible?

Il est facile en lisant ce texte d'oublier qu'il ne s'agit pas d'un roman, car il est bien écrit ( et traduit), mais pourtant il s'agit d'un récit de survivant. Qui a éprouvé le besoin de consigner un an plus tard par écrit ses souvenirs de ce jour là (ce délai expliquant sûrement le côté littéraire et soigné du texte qu'il a du mûrir dans sa tête pendant tout ce temps) sans cacher sa mauvaise conscience, son dégout de lui-même les jours qui ont suivi, et presque sa culpabilité d'avoir survécu avec juste quelques brûlures et blessures aux pieds, en proportion du drame qui a touché la ville. Et la peur qui à suivi de développer une "maladie de la bombe" comme la fille des paysans qui logeaient ses parents, morte d'affaiblissement ( on ne parlait pas encore des cancers d'irradiation) après avoir perdu ses cheveux, alors qu'elle était rentrée apparemment saine et sauve.

C'est la femme de Tôhara san qui a trouvé ce manuscrit, bien des années après. Son mari ne parlait jamais de cet épisode de sa vie, et elle n'a découvert le texte qu'après sa mort.. avant de se décider à le publier à compte d'auteur, en sa mémoire, pour que survive le témoignage des victimes.

Je lis rarement des biographies ou des récits de ce type, mais je l'ai trouvé très intéressant, et qui complète bien la visite que j'ai pu faire du mémorial de la paix, je tenterai de m'en procurer d'autres.

Comme le sujet sur  le mémorial d'Hiroshima, j'ai fini par décider que ce récit laissé par un survivant a tout à fait sa place dans le mois o-bon, même s'il ne fait pas référence à la commémoration en question

vendredi 7 août 2015

Genbaku bunkaku, la littérature de la bombe atomique


pas encore lu, il est en bonne place sur ma liste.. et ça ne m'étonne pas du tout qu'Art Spiegelman l'ai préfacé

A la suite des attaques atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, le Japon a développé un courant littéraire nouveau: la littérature de la bombe atomique, romans, récits, mangas qui prennent pour cadre les tragédies, récits de survivants qui ont parfois été adaptés en films (Pluie noire par exemple) ou dessins animés ( Gen d'Hiroshima)

La majorité sont bien sûr japonais, mais pas tous ( Hiroshima mon amour de Marguerite Duras) et la littérature de la bombe ne s'est pas arrêtée quelques décennies plus tard ( Le poids des secrets dont j'ai parlé ici entre dans cette catégorie, bien qu'il ait été écrit récemment). Le traumatisme de la bombe est loin de s'être limité à un petit coin de la planète, aussi, d'autres textes de divers pays peuvent être aussi intégré dans une liste " littérature de la bombe"

Que ce soit le fait d'écrivains confirmés qui n'ont pu rester impassibles devant le drame,  ou d'anonymes qui ont voulu témoigner de ce qu'ils avaient vécu, peu ont été traduits en français, en voici quelques uns ( que je n'ai pas forcément encore lus, certains ont été édités à de très petits tirages, et sont difficiles à trouver)

romans, poèmes, nouvelles
- Hiroshima  fleurs d'été - Hara Tamiki (nouvelles)
- Pluie noire - Ibuse Masuji
- poèmes de la bombe atomique - Tôge Sankichi
- l'enfant d'Hiroshima - Hatano Isoko et Ichirô
- Le poids des secrets (5 tomes) - Shimazaki Aki. Le 3° délaisse le cadre atomique pour parler du tremblement de Terre du Kanto de 1923. Mais de ce que j'ai pu lire ailleurs, les deux événements sont rapprochés assez souvent, par leur ampleur le nombre de victimes et le truamatisme qu'ils ont laissé dans la mémoire collective.
- dites nous comment survivre à notre folie - Oe Kenzaburo ( la plupart des livres de l'auteur, sans y faire toujours directement référence, sont marqués par la guerre et la bombe)
- la fleur de l'oubli - Oba Minako

Témoignages
- Journal d'Hiroshima - Hachiya Michihiko
- il y a un an Hiroshima - Tôhara Hisashi
- les cloches de Nagasaki - Nagai Takashi (1949, adapté en film en 1950). Edité en Français sous le nom de Paul Nagai, l'auteur s'étant converti au catholicisme en 1934et ayant choisi ce nom de baptême.
- Le sourire des cloches de Nagasaki - Nagai Makoto (1959) L'auteur est le fils du précédent
- J'avais six ans à Hiroshima - Nakazawa Keiji  (auteur par ailleurs du manga Gen d'Hiroshima)
- le jour où le soleil est tombé - Bun Hashizume
- récit des jours d'Hiroshima - Hida Shuntaro

Reportages, essais
- Notes de Hiroshima - Oe Kenzaburô

Mangas et illustrations
- Gen d'Hiroshima - Nakazawa Keiji
- le pays des cerisiers - Kouno Fumiyo
- Pika l'éclair d'Hiroshima - Maruki Toshiko

auteurs non japonais
- Hiroshima mon amour - Marguerite Duras (France)
- Tu n'as rien vu à Hiroshima - Emanuelle Riva (Reportage photographique sur la reconstruction de la ville par l'actrice principal du film adapté d'Hiroshima mon amour)
- la guerre du pacifique: Hiroshima et Nagasaki - Sandrine Woelffel ( France), essai
- Hiroshima, Nagasaki, la fin de l'empire divin - Michel Hérubel ( France) essai
- Hiroshima, deux cerisiers et un poisson lune - alain Serres ( France) : jeunesse
- Les oiseaux reviennent à Hiroshima - viviane Koening ( France): jeunesse
- quand blanchit le monde - Kamila Shamsie ( Pakistan)
- Hiroshima - John Hersey ( USA)
- Le dernier train d'Hiroshima - Charles Pellegrino ( USA)
- les fleurs d'Hiroshima - Edita Morris (Suède)
- Hiroshima est partout - Günther Anders ( Allemagne)
- Les âmes mortes d'Hiroshima - Herlin Hans ( Allemagne)
- vivre à Hiroshima - Robert Jungk ( allemagne)
- Hiroshima et les fontaines de l'espoir - collectif ( Canada)
- les mille oiseaux de Sadako - Eleanor Coerr (Canada)  jeunesse
- requiem pour Nagasaki - Paul Glynn ( Australie)
- l'enfant de Nagasaki - Peter Townsend ( GB)

Avant toute question, non je n'ai pas intégré dans la liste La tombe des lucioles, car s'il y est bien question de guerre et de bombardement, il s'agit de bombardements " classiques" sur la ville de Kôbe, en février 1945. Il s'agit d'une nouvelle de guerre qui n'entre pas dans le cadre de la littérature de la bombe atomique. Mais je voulais quand même le signaler malgré tout. D'ailleurs je conseille plutôt le dessin animé qui en est adapté, bien plus marquant que la nouvelle, à voir un jour où vous avez un moral d'acier.

Je ne sais pas s'il existe une littérature faisant référence directe aux bombardements de Tôkyô, mais ils sont évoqués par comparaison dans la littérature de la bombe atomique: la ville de Tôkyô avait subi en mars 1945 un bombardement de bombes incendiaires qui avaient brûlé une grande partie de la ville et fait de nombreuses victimes -le but avoué des USA étant " cuire et bouillir" les habitants jusqu'au dernier - lors des attaques sur Hiroshima, les habitants ont cru au départ à un bombardement incendiaire du même type.

Si vous avez connaissance d'écrits ou de témoignages traduits sur les autres bombardements, je suis très intéressée, et élargirai ma liste à la littérature de la guerre en général.


jeudi 6 août 2015

il y a 70 ans..

 Aujourd'hui aussi, un billet horrifique, mais d'une horreur bien pire que tous les monstres et fantômes qui hantent ce blog depuis mi juillet...

Oui, il y a 70 ans tout pile, le 6 août à Hiroshima, et le 9 août à Nagasaki.. deux dates de sinistre mémoire. La première et la dernière fois (pour l'instant!) où la bombe atomique a été utilisée.

Lors de mon dernier voyage en 2014, j'ai tenu à aller passer une journée du côté d'Hiroshima, pour visiter le mémorial de la bombe.

Mais tout d'abord, avez vous une idée du nombre de bombes atomiques qui a explosé à la surface du globe depuis 1945? (enfin, entre 1945 et 1998)

20?
100?
200?
500?

La réponse fait froid dans le dos: 2 053!
Voici l'illustration des faits, façon jeu vidéo rétro réalisée par Hashimoto Isao, plus parlante que n'importe quelle liste.
Le vidéo a été réalisée en 2003 et ne présente que les bombes ayant explosé avant 1998.
Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ( TICEN en français, CTBT en anglais) a été lancé en septembre 1996 et signé par 183 états, mais seulement ratifié par 164 à la date du 9 avril 2012.
Depuis  1998, au moins 5 essais nucléaires supplémentaires ont été réalisés et doivent donc virtuellement être ajoutés à ce chiffre déjà faramineux.

Hiroshima, donc. Je tenais absolument à aller voir ce qui restait de cette catastrophe.

Le bâtiment symbole du désastre a été construit en 1915, c'était alors un hall d'exposition des innovations industrielles de la préfecture d'Hiroshima.

Ironiquement, il est le seul bâtiment du secteur a être resté debout, alors que la bombe a explosé quasiment juste au dessus ( l'explication est simple: l'explosion ayant eu lieu presque à la verticale, il a reçu une poussée verticale et n'a pas été balayé par le souffle de la bombe)






 Chose étonnante, c'est un bâtiment d'assez petite taille en fait, que les photos contre-plongée font paraître bien plus grand et dramatique qu'en réalité.
Les environs ont été transformés en parc public où l'on trouve divers monuments:

La flamme de la paix: une flamme qui brûle jour et nuit, et ne sera éteinte que le jour où la dernière arme atomique sera démantelée

 Je crains cependant que ça ne soit pas de mon vivant...

Le cénotaphe du parc de la paix: en forme d'arche ( je n'ai pas eu le temps de prendre de photo plus détaillée, je n'avais qu'une heure et demie pour voir le musée avant sa fermeture), dédié aux victimes de la bombe.

(piqué chez Wikipédia)
Il y a aussi un tertre funéraire, sépulture collective de 70 000 victimes non identifiées, un monument de la paix pour els enfants du monde..
et un musée, qui rassemble photos, maquettes, reproduction de la bombe " little boy", objets retrouvés dans les décombres ( des tuiles et des bouteilles d'encre fondues et collées ensemble par l'incendie gigantesque qui a suivi l'explosion.. et aussi, je préfère prévenir car il vaut parfois avoir l'estomac solide, des radios et photographies de victimes brûlées, irradiées ou ayant subi des mutations dans les années qui ont suivi.
 L'explosion a été décrite par les témoins visuels comme l'apparition d'un deuxième soleil au dessus de la ville, c'est ce que veut représenter la maquette.

 Je n'ai malheureusement pas pu prendre plus de photos. elles sont autorisées dans le musée, mais d'une part j'avais trop peu de temps, et d'autre part, comme c'était un dimanche, il y avait une foule compacte en particulier de groupes scolaires en visite dans la région, donc impossible de s'arrêter trop longtemps devant les vitrines.
Néanmoins, si vous passez par là, je vous encourage à y aller, déjà parce que c'est très intéressant sur ce que peuvent être les dégâts réels d'une bombe atomique
- dégâts immédiats par le souffle de l'explosion et l'incendie qui en résulte et victimes tuées sur le coup. Dont on pourrait dire cyniquement qu'elle ont eu de la chance dans leur malheur de ne pas agoniser pendant des ours ou des mois
- pertes humaines à courts terme ( quelques jours) dues aux brûlures, blessures par débris,  et aux infections inévitables lorsqu'un grand nombre de personnes meurent au même endroit en peu de temps sans qu'on ne puisse prendre en charge les corps qui encombrent la zone, en plein mois d'août.
- pertes humaines à moyen terme (quelques semaines) dues à la famine, les récoltes locales ayant été saccagées par l'explosion.
- pertes humaines à long terme suite à l'irradiation ( plusieurs décennies et plusieurs générations concernées): cancers, mutations, maladies..
Je ne pense pas que quiconque puisse sortir d'une telle exposition en ayant encore une opinion pro-bombe atomique.

L'entrée au musée coûte 50 Yens ( ce qui fait à peu près 35-40 CENTIMES d'Euros) l'audioguide 330 Yens ( un peu plus de 2€) et il est disponible en de nombreuses langues dont le français, ça a été la très bonne surprise de la visite.
tous les renseignements sont ici, sur la page en français de l'office de tourisme de la ville: Musée  du mémorial de la paix

C'est un endroit où je retournerai volontiers, car j'ai voulu partager ma journée entre Miyajima et Hiroshima, et n'avais pas prévu qu'il me faudrait beaucoup de temps en tramway pour relier la ville et le port d'où part le bateau pour Miyajima. Et du coup je n'ai pas eu assez de temps, pour le mémorial, et absolument pas pour le reste de la ville, même pas suffisamment de temps pour dîner un okomiyaki, je devais rentrer sur Ôsaka, dont je partait le lendemain trèèèès tôt pour le retour en France.

J'ai hésité à intégrer ce billet  au mois O-bon , car il n'est pas récréatif, mais au final, il y a tout à fait sa place: déjà parce que O-bon est la fête du souvenir des morts et que les cérémonies du 6 aout à Hiroshima constituent un bon  à elles seules.. avec tôrô nagashi déposées sur le fleuve pour apaiser les esprits des victimes.

samedi 1 août 2015

Yokai à l'honneur (2) - les kappa

Mon petit chouchou :)

Le monstre numéro 2 est donc l'un des plus célèbre, le kappa, sorte de génie des eaux aux allures de chimère, mi tortue, mi grenouille anthropomorphe, qui porte au sommet du crâne un creux rempli d'eau qui garantit sa santé et sa survie. Si cette coupelle d'eau se vide, le kappa perd son énergie.

Oui, je l'aime bien. Et pourtant le kappa n'est ni mignon, ni sympathique. Au mieux c'est un farceur adepte des tours pendables, qui pille les réserves des humains, lâchent des pets nauséabonds et essayent de lorgner sous les jupes ( ou kimono, à l'époque) des femmes. Voleurs et égrillards donc. Au mieux!
Au pire ce sont des bagarreurs féroces très doués pour la lutte à mains nues malgré leur petite taille et leur apparence frèle.
vu par Hokusai

Comme ce sont des esprits aquatiques, ils sont évidemment très doués pour la natation et leur loisir favori est de noyer les baigneurs imprudents, car leurs plats favoris sont la chair humaine et les concombres. J'imagine que le fin du fin de la cuisine kappa est l'humain accompagné de concombre.
Agressif, meurtrier, anthropophage.. charmante bestiole.

Mais à côté de ça, le kappa est poli, et pour s'en débarrasser, il suffit de le saluer en se penchant bien bas: il fera pareil, sa coupelle d'eau se videra.. et la victime aura le temps de partir. Oui, il n'est pas très malin parfois.
oui, il vaut mieux éviter la bagarre avec celui là ( Namiuchigawa no muromi san... ne me demandez pas ce que c'est, j'ai juste trouvé le titre en faisant une recher d'image " kappa +manga)

Enfin ça c'est pour le kappa traditionnel. Dans la fiction récente, il est plutôt sympathique, une sorte de mascotte.
un été avec Coo
kappa no kaikata (comment élever un kappa) un dessin animé que je n'ai pas trouvé traduit en français, où un kappa est élevé par...un homme sans visage
Oui ça fait bizarre. Je ne sais pas si c'est évoqué directement dans le dessin animé, mais dans ce cas-là, le maître est probablement un nopperabo, donc un yokai d'une autre sorte. Deux pour le prix d'un!

Et, que je sois mangée rôtie avec des concombres si je me trompe, mais il me semble que les koopas de Mario doivent beaucoup aux kappas!

 Je conseille chaudement la lecture de la nouvelle " les kappas" d'Akutagawa.
Par contre je n'ai pas eu l'occasion de croiser ces mangas:
Il faut dire que , si on en croise souvent dans les mangas ou dessins animés, ce sont rarement les personnages principaux, plutôt des personnages secondaires, voire juste des clins d'oeil rapides au folklore.

Mais ils ont laissé leur nom à deux choses quotidiennes:

Le quartier kappabashi (pont des kappas) à Tôkyô, où on trouve une statue à son effigie, la légnde racontant que l'entrepreneur du pont avait engagé des kappas pour le construire ( contre un salaire en concombres?). Le pont n'existe plus, mais le quartier est très connu comme un haut lieu des ustensiles de cuisine: pour trouver couteaux, céramiques, reproductions de plats en résine, c'est là qu'il faut aller!

On y trouve tout pour préparer d'excellents kappa maki ( makis végétariens au concombre, voilà pour le 2° élément quotidien.. hummmm maki!!)

Pour la petite histoire, en cherchant des infos, je suis tombée sur des photos très très bizarres. J'ai appris qu'il s' agit d'une comédie musicale érotique, Underwater love, mettant en scène des humains ( mal) grimés en monstres. Je préfère ne pas en savoir plus. Ni sur le film, ni sur sur sa raison d'être. Je vous préviens au cas où vous iriez faire une simple recherche d'image comme moi. Je suppose qu'il doit y avoir un public pour ça, mais là encore je préfère ne pas savoir lequel.
ceci est une représentation à peu près fidèle de ma réaction