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jeudi 5 mars 2015

Mokusei! Une histoire d'amour - Cees Nooteboom

 Une suggestion de lecture trouvée ici, sur le tout récent blog de ma camarade babélionaute Myrthe. Et comme il m'a fallu aller renouveler ma carte de bibliothèque, j'en ai profité pour faire une petite virée dans les rayons..

Une histoire d'amour.. ou plutôt une histoire de ruptures.
Entre Arnold,le photographe hollandais  et le Japon, qu'il a pourtant adulé.
Entre Arnold, et sa muse Satoko, surnommée " Mokusei", les choses étaient vouées à l'échec, dès le départ. Arnold est tombé amoureux de Satoko lors de son premier voyage, alors qu'il recherchait un modèle pour un dépliant touristique. Satoko, qu'il a choisie après avoir vu de nombreuse photos de mannequins, trop "occidentalisées" à son goût, parce qu'elle faisait plus "authentiquement japonaise" à ses yeux d'occidental Une liaison qui était factice dès les départ: La campagne publicitaire devait comporter une photo de femme en kimono, Satoko correspondait non à la réalité du Japon du début des années 80, mais à l'idée que s'en faisait Arnold: le Japon éternel, figé dans ses rituels, son idéal d'harmonie.
Mais voilà Arnold a idéalisé Satoko, comme il a idéalisé le pays, en refusant de voir ses réalités contemporaines, ses banlieues moches et bétonnées comme on en trouve partout ailleurs. Et pourtant il avait été prévenu par un de ses amis diplomate qui y vivait depuis longtemps: le pays que tu cherches n'existe pas, n'existe plus, c'est comme résumer la hollande à  la peinture flamande,  et à trop idéaliser les choses, on finit par tomber de haut.. puis par les détester de ne pas correspondre à ce que l'on imaginait. Au premier voyage, Arnold n'a vu, et surtout, voulu voir que les bons côtés du pays.. au 5° il n'est plus capable que de voir ce qu'il a volontairement occulté jusque là. Et son rejet est aussi total que l'était son obsession, pour Satoko, et pour le pays qu'elle représente.

Plus que l'histoire d'amour entre deux personnages, c'est la réflexion sur la fascination que peut exercer un pays en général que je trouve intéressante. Arnold ne s'intéresse au pays et à sa culture que de manière sélective, en choisissant ce qui va dans le sens de ses préjugés sur ce que doit être la culture locale, le pays, les habitants, et ne se laisse pas la possibilité d'être déçu.

Et vous savez quoi? Des gens comme ça j'en connais. j'en ai rencontré lors de mes 4 voyages. Des qui n'y étaient allées que pour un aspect précis: la mode, le shopping, les jeux vidéo, les salles d'arcades, draguer les japonaises (oui..). La personne qui n'y allait quasiment que pour la mode et le shopping m'a confié l'an dernier n'avoir aucune envie d'y retourner, ses goûts ont changé, elle sature, et surtout elle ne supporte pas des coins comme Akihabara ( le quartier des otaku à Tokyo), qui ne sont pas ce qu'elle attend du Japon, et la dégoûtent . Oui, c'est à ce point. Exactement  le sentiment que décrit Cees Nooteboom.
Le roman date de 1980, à l'époque où peu d'européens avaient une image du Japon autre que celle classique, bouddhiste, rituelle et absolument pas contemporaine.. Celle de certains de mes camarades de voyage était 100% contemporaine, et la mode étant maintenant à la Corée du Sud, ils se sont pris de passion pour ce pays.

Personnellement, j'ai adoré mes 4 voyages, un peu moins le dernier pour d'autres raisons, mais je n'y retournerai pas ni cette année, ni probablement l'an prochain. Pour éviter la lassitude: le pays me plaît énormément, mais j'ai aussi envie de voir d'autres endroits, d'autres pays.
Ou alors, dans des régions totalement différentes, je ne pense pas remettre les pieds à Tokyo ni même à Kyoto avant un certain temps. Et aussi je veux me laisser le temps d'apprendre un peu plus la langue, pour justement en profiter vraiment à fond lors d'un prochain voyage, voire d'un stage de langue sur place, pourquoi pas.
Mais sinon, comme je suis du genre à partir quasiment les mains dans les poches et à me laisser surprendre, ben oui, il ya des choses qui me plaisent, d'autres moins, mais c'est comme ça, pas de quoi en faire une maladie.

Par contre comme j'habite un pays, et une ville touristique,  et que je bosse dans ce domaine, j'en vois à la pelle, des touristes du genre d'Arnold: qui arrivent avec une idée préconçue de ce que doit être "La France", et qui repartent déçus de ce que les villes soient sales, que les français fassent la tronche dans les transports, et tiennent rigueur au pays de ne pas correspondre à ce que les films et les prospectus leur ont vendu, au lieu d'essayer de remettre en perspective la vision idyllique et bien pastel qu'ils avaient au départ. C'est dommage.
Voilà un article sur le "syndrome de Paris", dans le sens inverse: la déception des touristes japonais ( et chinois aussi maintenant), qui arrivent en France avec une image figée.. qui ne correspond pas à la réalité, et en font littéralementdes syncopes.
(puis apparemment l'image que les touristes ont de LA française c'est: grande, mince, cheveux châtains, toujours élégante.. évidemment, s'ils me voient, je suis la négation la plus absolue de cette image, hormis les cheveux. Et pourtant je suis française, donc je comprends tout à fait le passage du livre où le manager de l'agence de mannequins ne comprend pas ce qu'Arnold veut lorsqu'il lui demande une modèle qui "fasse" japonaise. Sa réponse st évidente " mais elles sont toutes japonaises")

Un mot du mokusei: c'est un arbre qui fleurit à l'automne, en tout cas le kinmokusei, je ne sais pas s'il y a d'autres variétés. C'est ce qu'on appelle en Europe "olivier odorant" (bien qu'il en soit pas de la famille des oliviers) ou Osmanthe. L'odeur en est étonnante: on le sent beaucoup de loin, et peu de près. Une odeur sucrée sans être écoeurante, qui évoque un peu la pêche, l'abricot et le bonbon. Très agréable, dommage qu'on ne puisse pas ramener les odeurs comme souvenir de voyage autrement que sous forme d'encens.

Le Japon vu par.. un auteur néerlandais.

2 commentaires:

  1. Belle critique, avec des idées sur lesquelles je ne m'étais pas attardée.
    Au fait, tu as dû voir Furyô non? Avec David Bowie. Qu'est-ce que tu en penses?

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    1. oula, oui mais il y a tellement de temps que je n'ai pas trop de souvenir en fait. Je devrais le noter sur ma liste " a revoir". De mémoire j'avais bien aimé.

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