Comme le laisse supposer le titre, cette oeuvre dérivée de Conan Doyle va s'intéresser non pas à Sherlock, mais au "Napoléon du crime", donc finalement on sait assez peu de chose dans le canon de Doyle.
Donc, un peu plus de liberté pour l'adaptation, et là, préparer vous, pour ce qui est de la liberté, on en prend Beaucoup, mais alors beaucoup.
Visiblement, l'idée de base est "on sait qu'il est malfaisant et intelligent mais dans le fond, quelles sont les motivations de Moriarty pour être mauvais"
A cette question la réponse du manga est " l'idéalisme".
Et d'ailleurs il n'y a pas un seul Moriarty, mais 3, tels les 3 juges des enfers, ou les 3 parques...
Tout commence dans leur enfance:à l'origine il y a 2 frères Moriarty, fils de comte. L'aîné Albert-James et le cadet William-James. Le "vrai" William C'est Albert l'idéaliste , il ne supporte pas la manière dont ses parents et son petit frère traitent leurs deux enfants adoptifs, le second William et Louis.
Deux orphelins intelligents et adopté juste pour faire "oeuvre de charité", parce que c'est une quasi obligation dans cette société rigide et compassée, lorsqu'on est noble, que de prendre des pauvres roturiers sous son aile. Enfin, là, c'est plutôt les prendre comme larbins gratuits, en échange d'une opération pour Louis qui est cardiaque ( oui, pour toute cette introduction c'est beaucoup beaucoup de clichés sur l'Angleterre, la noblesse et la lutte des classes)
Idée d'Albert, qui ne peut plus supporter les injustices? Embarquer les deux petits frères adoptifs, chez qui il a décelé un potentiel " c'est la lutte finale", dans une révolte en forme d'association de malfaiteurs. Et ça va commencer par éliminer toute la famille, en cramant au passage la propriété familiale pour effacer toute trace de crime.Les 3 malfaiteurs juvéniles étant bien évidemment les seulssurvivants, insoupçonnables - qui irait penser que cet accident est le fait d'un fils de bonne famille et de deux orphelins éperdus de gratitude envers leurs bienfaiteurs...
William "bis" prend donc l'identité de "feu" (c'est le cas de le dire) William-officiel. Une fois adultes, parfaits complices, ils vont continuer de jouer le rôle auto-attribué de justiciers exterminateurs d'oppressions sociales.
Albert, le militaire qui fréquente la haute société, repère les potentielles victimes, William, le prof de maths ( le Moriarty " habituel), qui trouve les stratagèmes afin de faire passer les affreux de vie à trépas par exemple en faisant manger des pamplemousses à un cardiaque* histoire de camoufler le meurtre en accident, et Louis, le gestionnaire de la fortune familiale, dont le rôle est encore assez peu clair à ce stade.( Il sert pour l'instant si peu qu'il a droit à quelques pages bonus de fin, où il déplorer justement qu'on ne lui attribue pas de vrai rôle, et chaque chapitre se termine d'ailleurs par une petite illustration où les personnages réfléchissent et débattent de ce qu'ils viennent de jouer, réellement comme au théâtre. C'est assez sympa et prouve que finalement, il ne faut pas prendre cette histoire trop au sérieux)
* Je confirme l'incompatibilité des pamplemousses et du traitement contre les maladies cardio-vasculaires, c'est écrit sur la notice d'ailleurs.
Et donc, ce Moriarty là, très rajeuni ( prof d'université qui au final n'a pas beaucoup de différence d'âge avec ses étudiants, au point qu'on le prend régulièrement pour l'un d'eux), devient un personnage étrange, sorte d'improbable mélange entre Robin des bois et Karl Marx, ou Zorro et Bakounine.
Le tout dans une Angleterre si ... vue par le prisme du Japon, telle qu'on la trouvait, dans des registres assez différents, dans Black Butler ou Comte Cain. Ca ne me déplait pas, loin de là mais on est quand même très très loin de la réalité historique.
Donc , il ne va pas falloir être très regardants sur 2 choses
- le canon holmesien
- Sherlock, qui apparait dans le tome2: un type génial mais plutôt excentrique et ... sociable? Si on aime Sherlock au départ c'est plutôt pour son attitude asociale. Celui fait du kung-fu et se chamaille dans la rue avec Mrs Hudson (à qui il adore jouer des tours un peu mesquins) au sujet du loyer.
Ce qui fait que Sherlock s'annonce comme le L, pendant farfelu, d'un Moriarty-Light
- l'adéquation costumes, coiffures décors, etc...à l'époque supposée ( là où justement, Black Butler faisait le pari d'anachronismes assumés et de franche déconnade... et ça marchait) Ici je le trouve juste un peu à côté de la plaque.
Bon point inattendu: Sebastian Moran en second rôle.Même s'il est lui aussi très éloigné de ce qu'on pourrait imaginer du " second homme le plus dangereux d'Angleterre après Moriarty."
Pour l'instant, je dis " sympa", parce que ça n'est pas non plus le " woahou"total. Le problème de ce genre de personnages à l'intelligence froide et calculatrice c'est que bien menés, on se trouve avec Johann dans Monster ou Makimura Shôgo dans Psycho-Pass ( et d'ailleurs, graphiquement, William ressemble beaucoup à Makimura et...il y a une raison: le dessinateur a travaillé sur un manga adapté de la série Psycho-Pass, donc référence involontaire " par habitude" ou clin d'oeil assumé? )
Et avec de telles références qui me viennent en tête, quand on sait à quel point Psycho Pass est dans le top 3 de mes anime favoris justement POUR sa réflexion sur la violence, le crime, la justice, le bien et le mal... évidemment, ce n'est pas à l'avantage de Moriarty, un peu platounet de ce côté là.
Le sujet " peut-on faire le mal pour défendre un idéal humaniste?" est toujours plein de potentiel, mais pour l'instant les affaires criminelles manquent d'ambition, plutôt du genre " lui, il est méchant, donc faisons lui la peau en faisant passer ça pour un meurtre/suicide/accident".
Donc comme toujours, je ne jugerai pas sur seulement 2 tomes, et je vais laisser le temps à la série de s'installer et de se donner les moyens de ses ambitions. Evidemment je ne me fais pas d'illusions, je n'attend pas qu'il devienne une série marquante, mais s'il peut passer de "pas mal" à "bien" , ça me fera déjà plaisir. C'est possible, avec un peu plus d'ambition.
Il y a pour l'instant 5 tomes parus au Japon, 2 en France, a priori la série devrait trouver son public et ne pas s'arrêter en cours de route y compris en France. Je ne sais pas si d'autres tomes seront disponibles prochainement en bibliothèque, mai ce n'est pas une série que j'achèterai, ou alors seulement en numérique, parce qu'elle ne m'enthousiasme a priori pas au point de vouloir lui faire une place sur des étagères qui croulent déjà
Et dans la catégorie " bizarrerie", je ne vois pas d'adaptation animée annoncée, ce qui est pourtant un passage presque obligé pour un manga, mais.. en comédie musicale. Ahem. Ca annonce son pesant de kitsch.
je suis comme toi j'attends toujours le 3eme episode pour me fixer...en tout cas ce n'est pas prometteur...;)
RépondreSupprimerPareil j'ai trouvé le premier sympa mais j'ai un gros souci pour distinguer les deux frères, William et Louis et je me souviens que ça m'avait un peu perdue par moments dans ce 1er tome... Bref, du coup, une série que je lirai à l'occasion mais pas forcément la série "wahou" comme tu dis si bien ^^ Je vais quand même essayer de lire le 2 pour ce mois anglais !
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