Alors évacuons de suite la problématique principale: oui ce film a bien inspiré George Lucas pour la Guerre des étoiles ( et je trouve donc intéressant que Lucas se soit ouvertement inspiré d'un film volontairement comique, ce qui ressortait parfois dans la première trilogie et beaucoup moins dans les préquelles et suites). Mais pas que.
Tout commence donc en rase campagne, quelque part au Japon et au XVI°siècle. Deux paysans dépenaillés, Tohei et Matashichi, se disputent. Ils ont tenté leur chance à la guerre, se faisant enrôler comme fantassins, mais ont joué de malchance: non seulement ils sont arrivés à la fin de la bataille, mais, pris pour des vaincus par l'armée gagnante, ils ont été soumis à la tache ingrate et absolument pas lucrative de dégager les cadavres du champ de bataille. Et, une fois évadés, s'accusent mutuellement pour savoir qui a entraîné l'autre dans cette débâcle, tel un duo de manzai où il n'y aurait aucun personnage rationnel.
Avant d'en venir aux mains, ils se séparent, pour tenter de rentrer chez eux. Mais, problème: leur village est séparé du lieu où ils se trouvent par l'armée nouvellement gagnante, qui à verrouillé la frontière. Arrêtés l'un comme l'autre, ils se retrouvent une fois de plus en galère, à trimer dans la boue pour les vainqueurs qui cherchent le trésor caché par le clan Akizuki, vaincu, avant de prendre la fuite.
Trésor? Pour Tohei et Matashichi, voilà qui vaut la peine de s'échapper.. sans s'éloigner trop. Et de fait, ils vont trouver la trace de ce trésor au bord d'une rivière sauf que... le trésor n'est pas seul, il est entre les mains du samouraï Rokurota de l'armée Akizuki, et de Yuki-hime, l'héritière du clan, qui elle même représente un bon gros paquet d'argent puisqu'il y a une coquette récompense pour qui la trouvera.
Et Yuki -hime est tout l'inverse de ce qu'on peut imaginer par "princesse". Pas du tout une damoiselle en détresse, mais une petite nénette au caractère de cochon qui parcourt la montagne en short et manches courtes, comme le garçon manqué qu'elle, est, sachant manier le bâton, le sabre, monter à cheval.
Entre l'appât du gain comme carotte, et la menace de représailles, les deux paysans vont collaborer avec les gens du clan Akizuki pour escorter Yuki-hime et le trésor chez leurs alliés en contournant la fameuse frontière bloquée.
Yuki-hime. Que ce personnage me fait plaisir! Seule héritière, elle a été élevée par ses parents comme future cheffe d'état, ce qui fait qu'elle ne passe pas son temps à geindre, même dans la difficulté, mais a également un sens du devoir et de la solidarité féminine, qui la conduit a utiliser un peu de son héritage pour forcer Rokurota à racheter la liberté d'une femme de son clan réduite en esclavage par les vainqueurs.
L'autre point sympathique, c'est que cette histoire épique soit en fait surtout regardée par les yeux des deux péquenauds un peu paumés et cupides, ce qui contrebalance le côté héroïque de la chose. Rokurota est un excellent général, mais plutôt fanfaron, et là aussi, ce cassage d'image est bien sympathique.
La dénonciation de l'avarice est savoureuse, comme lorsque les paysans, se faisant passer pour des bûcherons, transportent l'or caché dans des fagots et se trouvent coincés parmi les fidèles de la fête du feu, contraints pour garder leur couverture et rester en vie, de jeter au brasier leur seul centre d'intérêt, leur seule passion.
Superbe séquence d'ailleurs où on voit Yuki-hime abandonner toute fierté royale et s'amuser.. comme les paysannes qui l'entourent. Elle le dira un peu plus tard, elle s'est énormément amusée et cette période de fuite et de vie dans les bois a en fait été la meilleure de sa (courte, puisqu'elle a 16 ou 17 ans) vie.
En fait plus qu'à La guerre des étoiles, c'est au western picaresque que m'a fait penser ce film: même goût pour les gueules de cinéma, pour les situations, pour le duel entre Rokurota et Tadokoro, pour l'utilisation de la musique... ( Kurosawa a d'ailleurs aussi influencé directement le western, puisque Les Sept Mercenaires de John Sturges est ouvertement un remake des Sept samouraï de Kurosawa donc..).
Mais je me demande s'il n'y aurai pas aussi une référence à Musashi, ce roman de Yoshikawa, mon coup de coeur en littérature japonaise. Particulièrement aux premiers chapitres de "la pierre et le sabre".
La situation d'ouverture est la même: Takezô et Matahachi, deux paysans qui ont quitté leur village pour gagner la gloire, se retrouvent du côté des vaincus, à essayer de glaner ce qu'il peuvent pour essayer de ne pas rentrer totalement fauchés au pays, avant de tomber nez à nez avec une jeune femme qui a fait profession de dévaliser les morts.
Mieux encore: Matahachi ( je ne sais pas si le caractère Mata est le même) dans le livre et Matashichi dans le film ( soit Mata"8" et Mata"7"). Cette coïncidence me paraît trop parfaite pour en être une en fait.
Et que Kurosawa ait parodié en 1958 un énorme carton éditorial paru 20 ans plus tôt non seulement ne me paraît pas du tout impossible, mais encore me ferait un immense plaisir.
Un bon film donc, drôle et enlevé, avec l'ami Mifune en général fanfaron, un personnage central féminin pas cruche du tout ( l'autre femme non plus d'ailleurs, même si elle a un rôle moindre), un du bouffon plutôt réussi, et un trésor insaisissable.Que demander de plus?
c'est vendredi, c'est cinéma! |
Tout à fait celui que je recommande pour qui voudrait découvrir Kurosawa sans commencer par les drames sur fond de misère et d'alcoolisme, ou les adaptations d'auteurs européens. Celui-ci est à la fois très japonais et très accessible pour le public international.
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