De fait, le livre est fini, mais j'avais isolé cette histoire, de par son importance culturelle.
En effet, on en retrouve des traces un peu partout dans les arts, que ce soit picturaux ou scéniques. L'histoire est un classique du théâtre, du théâtre de marionnettes, du rakugo, a été adaptée en film à plusieurs reprises . C'est même le premier film fantastique japonais, muet, en 1910. Elle apparait aussi régulièrement dans les manga directement ou indirectement...
L'histoire, dont la première édition est connue au XVII° siècle, semble une traduction japonaise, issue d'un recueil de contes chinois, le Jiandeng Xinhua et popularisée par le jeu du Hyakumonogatari kaidankai qui consiste à se raconter 100 histoires de fantômes et monstres dans une soirée, à la lumière de cent bougies. A chaque histoire, une bougie est éteinte. Le jeu s'arrête en général à.. 99, afin de ne pas invoquer accidentellement les esprits.
Ce jeu est très connu, et a été par exemple mentionné dans XXXHolic.
En tout cas, le jeu est probablement antérieur à la parution de la traduction du recueil chinois.
Histoire des fantômes de la lanterne pivoine ou le karma passionnel ( Botan doro)
Estampe de Yoshitoshi, allez savoir pourquoi O-Yoné a l'apparence d'une guenon.. |
Ici, Lafcadio Hearn se base sur la version du théâtre kabuki.
O-Tsuyu, fille d'un samouraï ne s'entend pas avec sa belle-mère, donc, pour aplanir les difficultés, son père l'envoie habiter seule avec sa servante O-Yone. O-Tsuyu reçoit un jour la visite d'un médecin, accompagné de Shinzaburo, fringuant samouraï. Les deux se plaisent, et O-Tsuyu fait promettre à Shinzaburo de revenir la voir, sinon, elle en mourrait de chagrin. Or il ne peux pas, suivant l'étiquette, revenir seul, et le médecin qui connait le père d'O-Tsuyu comme caractériel, craint d'être tenu pour responsable, si une liaison commençait. Shinzabuto ne peut revenir, et O-Tsuyu, ignorant tout et se croyant oubliée, meurt de chagrin, Yone aussi meurt de tristesse suite à la mort d'O-Tsuyu. Shinzaburo, qui ignore tout, apprend du médecin la mort de O-Tsuyu et O-Yoné, lequel s'empresse d'ajouter de manière moqueuse qu'elle a dû mourir d'amour pour lui, et de ne plus s'en faire, il ne reste plusqu'à réciter des sutra à leur mémoire. (quel sens de la compassion, et c'est médecin, ça? oO)
Effectivement, il n'y a rien d'autre à faire, donc Shinzaburo prie pour le repos de l'esprit des deux femmes, jusqu'au jour de o-Bon, où.. il rencontre les deux femmes portant une lanterne en forme de pivoine. Surprise des deux côtés, on leur avait justement dit que Shinzaburo était mort, et en discutant ils se rendent compte que le médecin lui-même dit à chacun que l'autre était mort. Commence alors une idylle clandestine ( pour éviter les ragots et en particulier du voisin mèle-tout, et voyant, de Shinzaburo. Mais Shinzaburo a des domestiques, qui l'entendent parler la nuit, et pensent qu'il est tombé dans les griffes d'une .. disons une chercheuse d'or. Et espionnant , le domestique voit quelque chose de pire encore: un fantôme, le haut du corps est momifié, et elle n'a pas de pieds ( un classique des fantômes japonais).
Et bien sûr, il court informer le voyant de ce qu'il a vu. Qui décide de prendre la situation en main pour éviter le trépas rapide du malchanceux Shinzaburo. Informé de la situation, Shinzaburo qui doute d'être victime de fantomes, va quand même chercher la demeure de O-Tsuyu et O-Yone, à l'endroit qu'elles ont mentionné, et trouve effectivement leurs deux tombes. Il va falloir se faire désenvouter, car sa situation actuelle est le résultat d'un mauvais karma, et d'une erreur commise dans une existence précédente, concernant précisément cette femme: ils se suivent donc d'incarnations malheureuses en incarnations malheureuses.
je vous avoue que j'aimerais bien voir la version pour théâtre de marionnettes |
Il barde donc sa maison d'amulettes pour empêcher les fantômes d'entrer. Elles reviennent nuit après nuit, et finissent pas négocier avec le serviteur: il a besoin de son employeur pour vivre, mais accepte d'enlever les amulettes , contre une somme d'argent suffisante pour ne plus dépendre de lui.
Evidemment on se doute de la suite : Shinzaburo est trouvé mort , au lit, accompagné d'un squelette qui l'a étranglé.
Il y a une conclusion intéressante où l'auteur, débat des personnages de l'histoire de son point de vue occidental: Shinzaburo est pour lui un type méprisable, en comparaison des héros de romans d'amour courtois, qui se sacrifient par amour, quand bien même en tant que chrétiens, ils ne pensent pas disposer d'autres vies. Pour lui, Shinzaburo aurait pu accepter d'en sacrifier une puisqu'il en avait d'autres " en attentes" en tant que bouddhiste. Et sa visite au cimetière de légende est décevante, le lieu a été transformé en potager et il n'y trouve qu'une mamie, qui cultive des patates dans l'ancien cimetière et montre deux fausses tombes d'O-Yoné et O-Tsuyu aux curieux venus en pélerinage. Ce retournement de situation absurde est plein d'humour sarcastique qui rappelle l'origine européenne de Hearn :D
Une autre variante de cette histoire, bien plus factuelle, mettant en scène Ogiwara, un veuf, séduit par le fantôme d'Otsuyu, sans que cette fois il soit question de karma.
Il y a bien d'autres histoires de fantômes japonais, telle celles d'Oiwa ou d'Okiku, qui avec celle d'Ostuyu sont les Nihon sai dan kaidan, les " Trois grandes histoires de fantômes du Japon", mais pour une raison ou une autre, Hearn ne les a pas intégrées à son recueil. Ceci dit, j'aim maintena tbien envie de découvrir les ouvrages qu'il a consacrés à la culture antillaise.
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