Et le manga du mois est une adaptation littéraire de plusieurs nouvelles des années 1910 à 1940, mises en images à la fin des années 90 par Ikegami R., mangaka surtout connu en France pour sa série Crying Freeman.
Ce one shot regroupe 5 nouvelles de 5 auteurs différents.Certains célèbres en Europe, d'autres à peu près inconnus. Enfin, il aurait fallu préciser "nouvelles criminelles" ou "sanglantes" car toutes impliquent la mort d'au moins un des personnages.
- Figures infernales ( Akutagawa Ryûnosuke), une nouvelle que j'avais déjà lue et chroniquée ici, peut être la plus malsaine de tout le recueil. Intéressante malgré tout mais glauque. Et le style réaliste d'Ikegami est loin d'atténuer la chose, au contraire.
- Madame Osei ( Edogawa Ranpo). Un auteur dont j'ai entendu parler à plusieurs reprises, mais que je n'ai pas encore lu. Cette nouvelle met en scène Kakutaro, un homme aimable et gentil manipulé par sa trop jolie femme. Kakutaro est tuberculeux et dot rester chez lui, et Osei, prétextant d'aller voir ses parents, passe tous ses après midis en compagnie de son amant. Tout le monde est au courant, mais Kakutaro se refuse a demander le divorces, invoquant mille raisons, car dans le fond, il aime toujours sa femme. Et bien sur ignore qu'elle n'attend qu'une occasion de se débarrasser de lui.
J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle policière, avec une conclusion parfaitement cynique - un auteur de culture européenne aurait probablement tourné une résolution plus "morale" - qui me convainc d'aller creuser un peu du côté de cet auteur.
-L'amour de Tojuro ( Kan Kikuchi): fin du XVII° siècle, la loi au Japon punit de mort l'adultère. L'acteur Tojuro, célèbre dans des rôles de coureur de jupons, doit pour la première fois interpréter dans une pièce l'amant d'une femme mariée, faire ressentir le danger de mort qui plane sur son personnage mais n'arrive pas à bien cerner le rôle. La solution est donc toute trouvée: il va tenter de séduire une femme mariée et observer ce qui s'ensuit.
- La porte de Matsuzake (Yamamoto Shûgorô): XVII° siècle également. Le samouraï Munetoshi revient dans sa région natale occuper un poste de Daimyo. Il espère revoir Toshiro, son camarade d'enfance, qui est cependant introuvable. Munetoshi est borgne depuis l'âge de 11 ans, officiellement à la suite d'une chute, mais la réalité est autre: C'est Toshiro qui l'a involontairement blessé lors d'un entrainement martial, et tous deux ont gardé le secret depuis lors. La brusque disparition de l'un est donc clairement liée au retour de l'autre..
J'ai un peu moins accroché à ces deux nouvelles, pourtant bien ancrées dans deux traditions très japonaises: le théâtre Kabuki d'une part, et le monde des samourai de l'autre. Et pourtant non, finalement j'ai moins aimé, peut être justement parce que quelques clefs de lecture auraient été bienvenues. Mais finalement l'histoire ancrée dans le quotidien d'Edogawa m'a plus parlé.
- L'histoire du donjon (Kyôka Izumi): un auteur totalement inconnu de moi, et après quelques recherches, cette nouvelle, dans la présente édition est surement la seule oeuvre traduite de cet auteur. Elle est aussi un peu a part des autres, car même s'il y est aussi question de samourai et de grande dame, on est clairement dans le domaine du fantastique ( il m'a d'ailleurs fallu la relire 2 fois d'affilée, pour bien comprendre car il y a sur l'édition qu'on m'a prêté un petit souci d'impression - une bulle reproduite deux fois, et une autre déplacée, ce qui au final donne une bulle manquante.. et probablement une donnée importante).
Lors d'une chasse au faucon, un orage éclate et le faucon s'enfuit dans une vieille tour. L'animal est récupéré par et libéré par la dame qui y vit avec ses suivantes, et qui est foncièrement opposée à toute forme d'asservissement, y compris celle d'un oiseau.
Le seigneur du lieu tient le fauconnier responsable de la perte du faucon et l'envoie donc à la recherche de l'oiseau. Mais la tour est réputée hantée. Et la jolie dame qui y habite et qui le reçoit sans méchanceté, mais avec mauvaise humeur, et semble tout ignorer de la marche du monde, est-elle vraiment humaine?
Là aussi, une nouvelle que j'ai appréciée pour son côté fantastique. Par contre je ne sais pas si l'ouvrage a été réédité ( il date de 1999) et si dans ce cas, ce problème de bulles a été rectifié.
Donc au final je dirais, intéressant, un style graphique réaliste très joli, mais un petit manque d'explications pour le public occidental, or justement ce qui est implicite pour un lecteur japonais - en tout cas, s'il s'y connait en code samourai - ne l'est pas pour un lecteur français.
On voit qu'il s'agit d'une des premières édition de seinen en France: le sens de lecture est européen. Probablement que l'éditeur a pensé s'adresser à un lectorat non habitué des mangas. Ca aussi j'espère que ce sera corrigé si une réédition est prévue car du coup la mise en page se retrouve aussi inversée ( ce n'est pas le cas ici, mais dès fois, on aboutissait a des choses assez étranges dans ces anciennes éditions, lorsqu'un personnage montre son coeur... à droite).
En tout cas, je ne suis pas sure qu'il ait réussi à trouver son public, en tout cas, en 99. Si on ne me l'avait pas prêté, je n'en aurais jamais entendu parler. En tout cas il en ressort que Edogawa Ranpo est sur ma liste à lire.
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