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dimanche 20 juillet 2014

Hokusai - Ishinomori Shotarô

  Je l'avoue, parfois, j'ai du mal à m'y retrouver dans l'océan qu'est devenu l'édition manga, dans cette submersion de comédies lycéennes ou de shonen de baston au nombre faramineux de tomes, les titres mis en avant sont un peu toujours les mêmes, ou des copies de copies.  Mais heureusement, certains éditeurs ont la bonne idée de commencer à publier des auteurs et des oeuvres plus anciennes. Ça a commencé il y a quelques années avec, à tout seigneur tout honneur, Tezuka, publié chez Dargaud et Kana. Puis Hiroshi Hirata chez Asuka et maintenant, toujours chez Kana, c'est Ishinomori, autre auteur majeur dans son pays, qui est édité chez nous.

Et ça me fait particulièrement, il y a longtemps que j'espérais voir arriver ces oeuvres aux thèmes plus sérieux, voire très noir parfois (Gekiga," dessins dramatiques" au contraire du manga "dessins humoristiques), ou en tout cas plus ambitieux. Ou moins porteurs sous nos latitudes.

Et c'est dans cette catégorie que rentre " Hokusai" de Shôtarô Ishinomori. Un manga donc, sur la vie de celui qui est l'inventeur du terme même de manga, le célébrissime peintre Hokusai. Le premier peintre japonais à avoir connu le succès à l'étranger et notamment en Europe, lorsque le Japon a recommencé à avoir des relations diplomatiques avec le reste du monde. Et une influence sur les artistes européens.

Une preuve?
La vague de Camille Claudel, à voir au musée Rodin de Paris
 A mettre bien sûr en rapport avec l'estampe la plus célèbre de Hokusai
La grande vague de Kanagawa


Une très bonne surprise je dois dire, pour peu qu'on ne soit pas réfractaire aux dessins assez simples des années 70/80, dans la veine de ceux de Tezuka, très clairs, très lisibles, assez limités parfois en décors, des ombrages en hachures légères, etc...Un peu dans l'idée de la ligne claire en Europe
En tout cas moi j'aime, j'avoue avoir parfois un peu de mal avec la tendance actuelle (surtout dans les shojo) de saturer les planches de dizaines et de dizaines de trames.

Autre particularité, c'est drôle. Très drôle. Car on est loin d'une hagiographie du peintre, Ishinomori insiste au contraire sur son côté fantasque, imprévisible.. et grand amateur de divertissements coûteux, d'alcool et de jolies femmes,qui le laissent régulièrement sans un sous vaillant. On a donc droit a quelques pages olé-olé ( qui ont probablement inspirés la mention " public averti" au dos du livre). Attention donc, yeux chastes, il y a des nichons à l'air (hooo!)et des parties de galipettes (hiiii!) de ci de là.  M'enfin, rien de bien choquant, hein... à mon humble avis le plus érotique, c'est la reproduction de l'estampe "le rêve de la femme du pêcheur" de Hokusai lui-même. Une scène, comment dire.. allégorique ( j'aime bien le fait que la prostituée ait compris tout de suite ce que représente le poulpe)
Donc humoristique, avec beaucoup de personnages secondaire caricaturés, qui peuvent là aussi rebuter certains. Mais les disputes de Hokusai avec l'écrivain Bakin (oui celui-là même de "l'illumination créatrice "d'Akutagawa) sont assez truculentes et irrésistibles. Sa démesure est souvent source de quiproquos et pourtant, malgré son orgueil en société, le personnage n'est pas antipathique, car il n'a de cesse de se remettre en question lorsqu'il sent qu'il atteint une limite, de progresser et d'améliorer son art, face auquel seul il fait preuve de modestie.
Rien que la tête de Hokusai sur la couverture donne le ton.

Enfin troisième point qui peut gêner les lecteurs de manga récents: la narration. Elle n'est pas linéaire, et progresse par aller-retour dans la biographie du peintre. On commence d'emblée par sa mort (90 ans quand même), pour retracer son parcours au fil de ses changements fréquents d'identités. En fait plus que le peintre Hokusai lui-même et son travail, c'est le regard qu'il porte sur ses contemporains, son témoignage sur son époque qui est au centre du manga: au travers de ses dessins et estampes, c'est la société japonaise du XIX° siècle qui apparaît: moines errants, paysans aux rizières, voleurs - et voleuses-  de grand chemin, prostituées, étrangers venus faire du commerce, gens du quotidiens se délassant à l'Onsen, pêcheurs, tout une foule dans leurs occupations quotidiennes etc...

De ce point de vue là, c'est une vraie réussite, un régal (et j'aime beaucoup l'idée d'Ishinomori de faire correspondre sur une double page un paysage "style Hokusai" associé au même paysage "style Ishinomori", où se déplacent... Hokusai et ses disciples. allez, pour faire une petite critique négative: le livre fait plus de 500 page, en format assez petit, et justement, c'est dommage pour ce genre de doubles pages, où les illustrations sont coupées en deux de manière pas toujours réussie, par la mise en page.

Une très bonne découverte, donc, qui me conforte donc dans mon idée de me faire une petite série de lectures manga "à l'ancienne", puisqu'en définitive, je les trouve souvent plus intéressants au niveau thèmes et plus audacieux au niveau scénario que leur homologues plus récents.

C'est l'été et j'ai très peu de temps libre, donc, je recycle mes anciens sujets. Mais mon avis sur celui ça n'a pas changé à la relecture

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