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jeudi 21 avril 2016

Rétrospective Kurosawa (5) - Vivre dans la peur ( film 1955)

Encore un sujet social cette fois, une décennie a passé depuis la fin de la guerre, mais c'est toujours d'elle qu'il s'agit, via le traumatisme collectif de la population qu'à causé la bombe atomique.


Traumatisme qui prend une dimension de névrose de plus en plus incontrôlable pour Monsieur Nakajima, directeur d'usine, devenu de plus en plus paranoïaque et qui s'est convaincu qu'émigrer est la seule solution pour éviter une nouvelle bombe.
Rien ne peut l'en faire démordre, ni l'échec de sa précédente tentative aussi comique que tragique ( construire un abri nucléaire à Hokkaïdo pour éviter les radiations venues du sud, opération coûteuse qui a failli ruiner toute la famille, pour tourner court lorsqu'une rumeur d'irradiation venue du nord lui a fait abandonner le projet), ni l'opposition de ses proches, légitimes ou pas .
Car au delà de sa famille officielle: une femme et 4 enfants adultes, Monsieur Nakajima cachait plusieurs maîtresses et trois enfants illégitimes.
Il n'empêche, tout ce petit monde partira au Brésil, le chef de famille l'a décidé. Le Brésil, c'est calme et loin des bombes, un compatriote déjà parti là bas lui assure que c'est idéal, une ferme l'attend qu'un japonais désireux de revenir au pays accepte d'échanger contre un terrain au Japon - pas l'usine, qu'il va falloir revendre pour acheter les terrain à échanger, vous voyez le trafic compliqué? - il n'y a aucune raison de ne pas vouloir y aller?
Sauf que..

Bien évidemment, personne ne croît à la réussite de ce nouveau projet irréalisable: embarquer enfants légitimes et illégitimes ensembles, épouse et les 2 maîtresses encore vivantes... il n'est même pas garanti que tout ce petit monde ne s'entretue pas avant l'arrivée, vu la manière très peu calme - et drôle pour le spectateur - dont ils manquent en venir aux mains au tribunal, car évidemment l'épouse légitime et les enfants voyant planer le risque de perdre à la fois leur travail et leur lieu de vie avec la revente de l'usine, qui seule permettrait un tel voyage, ont carrément décidé de faire reconnaître le père comme fou et le faire placer sous tutelle avant qu'il ne dépense jusqu'au dernier sou.Oui , mais une mise sous tutelle serait couper les vivres aux maîtresses et enfants naturels qui touchent une rente mensuelle. Zéro chance que la famille officielle la maintienne, dans ce cas là.

Projet irréalisable, mais également irréaliste, car comme le fait remarquer un personnage, il n'y a pas un seul endroit du globe qui soit à l'abri des bombes.  Et puis emmener sa famille c'est bien, mais vendre l'usine, c'est mettre à la rue les ouvriers qui resteront eux , exposés au danger, c'est mettre en danger le type avec qui il compte troquer la ferme, etc... impossible de protéger tout le monde. Les plaisantins finissent même par lui conseiller d'émigrer sur une autre planète, ce que Monsieur Nakajima devenu complètement fou, prendra au pied de la lettre.

Et pourtant il n'est pas le seul à avoir peur: le traumatisme est collectif, certains vivent avec en domptant leurs peurs, d'autres voient des bombes dans le moindre éclair ou entendent des alertes de raid aériens dans la moindre sirène d'usine.
Et surtout la peur est aussi contagieuse qu'un virus, la fin ouverte laisse planer le doute, mais à travers cet exemple unique et excessif, c'est toute une génération qui a du mal à se remettre de la bombe. Certains essayent de s'en sortir par l'humour et le sarcasme, d'autres par le travail, d'autres ne peuvent simplement pas faire face.

Et c'est encore une fois Toshiro Mifune qu'on retrouve, acteur fétiche de Kurosawa, dans le rôle de l'irascible et grognon M. Nakajima qui se laisse submerger par une peur panique qu'il refuse d'avouer et de s'avouer, au point de sombrer dans la folie ( chose surprenante: le film date de 5 ans avant Les salauds, avec le même acteur.. qui, maquillage aidant, donne l'impression d'être sexagénaire alors qu'il n'a que 35 ans... Vérifiez: le film date de 1955, l'acteur est né en 1920. Ses métamorphoses physiques de film en film sont surprenantes)
oui, cet acteur a en réalité 35 ans...
 Pour mémoire, le même dans les salauds, 5 ans plus tard, donc âgé de 40 ans.
Je trouve ça quand même assez impressionnant...

Et maintenant, le film prend une dimension encore plus contemporaine et glaciale.
Tourné 10 ans après les attaques d'Hiroshima et Nagasaki, mais entre temps, il y a tout juste 5 ans,  il y a eu la catastrophe de Fukushima pour nous rappeler que le nucléaire, qu'il soit militaire ou civil est loin d'être une chose sans danger, et qu'un séisme et un tsunami peuvent à tout moment entraîner une catastrophe démesurée pour peu qu'il se produise au mauvais endroit. Ca n'est pas passé loin il y a encore quelques jours...

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