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mercredi 5 octobre 2022

Le livre des sorcières (T 1 et 2) - Ebishi Maki

 Au détour d'un rayonnage de la bibliothèque, mais que vois-je, un titre qui sera parfait pour le mois Halloween.

Et si la magie n'est pas un sujet nouveau en manga, il a le mérite de sorctir du domaine habituel de la fantaisie pour se concentrer sur une période que je n'ai pas souvenir d'avoir vue très souvent en manga: la Renaissance en Europe du nord ( à part peut être Divci Valka titre que je n'ai jamais trouvé à lire, mais dont l'action se déroule au XV° siècle à Prague, donc plutôt Europe Centrale ce qui pique fort ma curiosité. Quelques titres de mémoire se passent à la Renaissance italienne autour des Médicis, mais.. ça reste quand même rare). Et la sorcellerie est ici présenté sous son côté historique, via le délire collectif de la Renaissance, qui a conduit à l'exectution d'un grand nombre de gens soupçonnés de sorcellerie.

D'ailleurs dsions le de suite, le titre japonais est ici très mal traduit. "Le livre des sorcières" ( très banal quand même) s'intule en VO " Mahô wo mamoru" : Protéger, ou sauver, les sorcières. C'est le souhait le plus cher du héros.

On y rencontre quelques personnages célèbres et réels de l'époque, époque qui se caractérise par un mysticisme religieux exacerbé par les tensions entre catholiques et protestants. La rivalité aux Pays-Bas entre les cdeux courants fait rage, chaque camp utilisant à son profit les superstitions d'une population qu'il est plus rentable, au sens le plus bassement pécuniaire du terme, de maintenir dans l'ignorance que d'instruire. En cas d'épidémie, c'est toujours plus simple d'accuser le camp adverse, ces mécréants, d'être la cause, et de demander aux gens des dons, plutôt que de chercher à connaître la nature des choses. Ceux qui ont peur verseront leur oboloe, acheteront des dons, paieront pour des messes si on leur fait suffisamment peur.
Et lorsqu'il n'y a pas d'épidémie? Hé bien la solution est trouvée: c'est la faute aux sorcières, aux démons, aux loups-garous, aux fées...ou pire: aux hérétiques, qui veulent connaître la raison profonde des choses, et commencent à mettre en doute ce que les religieux leur disent de croire. Ceux là sont encore plus dangereux, ils ruineraient le commerce si on n'y met pas bon ordre.

Epoque paradoxale qui voit donc conjointement des avancées sur beaucoup de plans scientifiques, mais aussi l'apogée de la chasse aux sorcières.

Le manga retrace le parcours de Jean Wier, médecin formé auprès de Henrich-Cornelius Agrippa,  autre authentique personnage à la réputation sulfureuse.


Le tome 1 s'ouvre sur Wier, déjà médecin renommé au service du duc de Clèves. Celui-ci a un problème: dans un village de son fief a été signalé un loup garou, qui aurait attaqué une paysanne. Le duc, en homme intelligent, sait qu'une simple rumeur peut mettre le feu aux poudres et dégénérer en massacre lorsqu'une population, se croyant victime des démons, cède à la panique. Il envoie donc son médecin personnel rencontrer la paysanne blessée et recueillir son témoignage, afin d'éviter qu'un ou plusieurs innocents accusés de sorcellerie ne soit victimes d'une vengeance.

Wier lui même sait parfaitement à quelles extrémités peuvent conduire la croyance aux puissances occultes: dans son enfance, il a rencontré une étrange petite fille et sa mère tout aussi étrange. Des femmes, que l'on qualifierait maintenant de névrosées, inoffensives, mais qui parlent seules et prétendent voir et entendre des choses que les autres ne voient pas. C'est extrêmement dangereux d'être différent dans une époque ultra conformiste.
La petite fille, Elma, se promène le visage couvert d'un masque de diable, prétendant que lorsqu'elle le porte, elle peut voir et entendre les fées. Jean, impressionnable mais intelligent, se rend vite compte que quelque chose ne tourne pas rond: la petite prétend faire de la magie, transformer un champ de houblon en champ de fleurs.. mais il n'y a rien. Elle est donc seule à voir les effets de sa "magie".
Ce qui n'empêche pas Jean d'avoir la peur de sa vie, lorsque sa nouvelle amie prétend qu'une fée, qu'elle seule peut voir, veut les emporter au fond de l'étang.
Le remous causé par cette histoire fait conduire la mère et la fille en prison, elles sont jugées vite fait bien fait comme sorcières et décapitées, sous les yeux de Jean. Evénement d'autant plus traumatique qu'avant d'être executée Elma lui a avoué qu'elle n'avait jamais eu la moindre hallucination, qu'elle agissait simplement comme sa mère, pour faire en sorte qu'elle ne soit pas la seule à "voir des choses".
Jean sait donc parfaitement que la peur est contagieuse, il l'a éprouvée, il l'a vue à l'oeuvre chez les paysans qui ont comdammé Elma et sa mère, événement traumatique qui le hante et dont il continue à faire des cauchemars, années après années. Deux personnes ont été décapitées, dont le seul tort était d'avoir trop d'imagination.

On suit donc deux lignes temporelles en même temps:
- celle en 1551, où Jean découvre vite que la paysanne, Marthe, attaquée par un loup-garou, si elle a bien été mordue par quelque chose ou quelqu'un, est victime d'une illusion: elle prétend avoir été attaquée par un loup dans sa chambre, alors qu'elle allait se coucher. Son père alerté par les cris, prétend, lui avoir vu un homme s'enfuir par la fenêtre, le seul moyen de concilier les deux est de prétendre qu'il s'agit d'un loiup garou, qui, comme c'est pratique, aurait dans sa fuite laissé tomber un gant portant son initiale , un L. D'autant plus pratique que le père de Marthe déteste un de ses voisins, nommé Lambert, depuis qu'il les a chopés en flagrant délit lui et sa fille dans la grange. Lambert en a cependant épousé une autre, et depuis le père le hait. Le faire accuser de commerce avec le diable et d'être un loup-garou, à une époque où les procès de ce genre ne laissent à l'accusé aucune chance de s'en sortir. Il va donc lui falloir trouver un moyen de faire comprendre que cette histoire de loup garou n'est qu'une vulgaire querelle de voisins.

- celle de 1530: Jean adolescent, tourmenté de n'avoir rien pu faire pour sauver Elma et sa mère, étudie la médecine. Entendant parler de Heinrich-Cornelius Agrippa, médecin d'Anvers, il fait tout son possible pour devenir son apprenti. Car Agrippa, médecin grande gueule, qui refuse de prendre parti enctre les catholiques et les protestants, et n'hésite pas à menacer de malédiction les malades mauvais payers, a une réputation d'hérétique. Et surtout, un fait de gloire aux yeux de Jean: il est le seul homme connu qui a réussi à faire acquitter une sorcière. C'est plutôt ça qui l'intéresse. Savoir comment il s'y est pris et à sont tour, faire acquitter les gens accusés faussement de sorcellerie, afin d'atténuer son sentiment de culpabilité. Le talent juridique d'agrippa s emanifeste également quelques temps plus tard, lorsque suite à une épidémie de peste, alors qu'il était resté seul en ville avec un collègue venu de France, mais qui n'avait pas obtenu le droit officiel d'exercer, il prouve par A +B que celui qui est accusé bien que n'ayant pas de droit officiel ne s'est pas défilé et a sauvé beaucoup de malades, et que précisement, les accusateurs sont les médecins qui  on fui et ne sont revenus que lorsque le danger est passé.

Le tome 2 ne suit pas tout à fait la même logique, il ne continue pas directement l'affaire du loup garou, mais constitue tout entier un flashback dans les années 1540: après la peste, Jean a poursuivi son apprentissage auprès d'Agrippa, et compris d'où venait la réputation d'hérétique de celui-ci. Passionné de justice, Agrippa ne supporte pas la corruption des autorités catholiques qu'il soupçonne de monter de toutes pièces ces histoires de possessions et de diableries, afin de s'enrichir en vendant des indulgence au peuple maintenu dans la peur et l'ignorance. Jean lui explique enfin son passé et ce qui le hante, la raison pour laquelle il veut sauver des sorcières. Le maitre comme l'élève ne nient pas l'existence du diable - on est au XVI siècle- mais voient plutôt les sorcières et les possédés comme des malades, les démons profitent de la maladie pour posséder ceux qui seraient de nos jours des dépressif ou des névrosés. Névrose collective entretenue par le climat de peur causé par la religion. Et que s'il s'agit d'une maladie qui ressemble à une possession, un traitement adapté avec des calmants peut calmer les symptômes, ce qui ne serait pas le cas pour une réelle possession.

Quelques années plus tard, alors qu'Agrippa est déjà mort, Jean est marié et vit dans une autre ville. Il va suvir un deuxième choc psychologique. Trois femmes meurent soudainement, Jean, mandaté pour l'examen post morteme de la première se rend compte qu'elle a été empoisonnée à l'arsenic, dans une cruche au fond de laquelle a été tracé un symbole magique. Jean retient l'arsenic comme cause, le juge, aussi névrosé que le reste de la société, considère que la mort a été causée par le symbole magique. une malédiction par vaisselle interposée. et qui dit malédiction dit sorcière.
Il ne faut pas longtemps avant que soit accusé la vieille dame un peu bizarre depuis qu'elle a perdu toute sa famille lors de la peste.
Pire chaque symptôme que Jean perçoit comme des preuves de mélancolie, est retenu comme preuve de sorcellerie par la population: " puisqu'elle a été déclarée sorcière, elle l'est, ses actes le prouvent". Elle agit bizarrement parce qu'elle est une sorcière, mais elle est une sorcière parce qu'elle agit bizarrement et puisque le juge l'a dit c'est donc vrai. CQFD. D'autant qu'elle avait en main un sceau magique acheté ( comme l'a fait la moitié de la ville) à un magicien autoproclamé qui les dessine au fond d'une taverne pour de l'argent. Ca vaut les ventes d'indulgences.
Personnene semble même se dire qu'une vieille dame du peuple à la vue basse n'a ni la connaissance, ni le matériel, ni la technique pour tracer un symbole magique parfait au fond d'une cruche étroite.
Or Jean en a vite le soupçon: Nora, la vieille dame accusée, est une coupable idéale derrière laquelle se cache un vrai criminel qui risque de continuer si on ne le trouve pas. Or le juge le met au pied du mur: il y a acte de sorcellerie, doncsi ce n'est pas Nora, il y a une autre sorcière en ville. Pour blanchir la vielle dame, Jean doit donc présenter une autre sorcière. Celui qui veut sauver les sorcières doit en faire accuser une autre.

Et voilà un titre qui est fort prometteur. Il y a 3 tomes parus en France comme au Japon, ma bibliothèque n'a pour l'instant que les  2 premiers, mais j'ai bien accroché à cette histoire policière qui tente de réhabiliter les individus qui ont effectivement souvent du servir de couverture à de vrais crimes.
Graphiquement, il ne sort pas vraiment du lot, rien d'exceptionnellement novateur, mais plutôt sympa. notamment les costumes, la dessinatrice semble avoir bien examiné les tableaux de la Renaissance flamande.
( je note quand même une mini erreur: que ce soit en 1550 ou en 1530, Jean a toujours l'air d'un adolescent, alors qu'il est censé avoir au moins 35 ans au moment de l'affaire du loup-garou), mais ces deux premiers tomes sont prometteurs. apparemment, la série n'a que 3 tomes au total, ça me convient bien, ce ne sera pas une série interminable.
Je ne connaissais pas du tout l'auteur, mais autant pour le cadre et le sujet original, et l'enquête plutôt bien menée, j'ai hâte de trouver le troisième tome.

Enfin, l'auteur est japonaise, mais le sujet est germanique, l'action naviguant entre Pays-bas et Allemagne.