Japon, années 70. Maria, jolie fille issue d'une famille de nouveaux
riches d'après-guerre, intègre le lycée Airan. Et plus exactement la
classe 2 C, celle des "mauvaises filles", celle que la société préfère
cantonner dans un lycée de seconde zone pour mieux les ignorer: ici, on
rassemble celles qui sont sexuellement précoces, les lesbiennes, les
violentes rassemblées en gangs adeptes de la bagarre au couteau...
autant dire que dans cette ambiance délétère, Maria détonne... à
première vue.
Car, disons le de suite, il ne s'agit pas
d'une énième histoire de lycéens, ce n'est pas un shôjo fleur bleu,
loin de là. On est plutôt dans le gekiga ( oeuvre destinée à un lectorat
adulte, dessins inspirés des estampes traditionnelles, sujet
sérieux...) que dans le manga. Bien que par facilité, je l'appellerai
quand même manga.
Donc Maria, malgré son nom de Madonne
chrétienne, est une mauvaise fille, dans une famille dirigée d'une main
de fer par un grand-père tyrannique qui entend bien régenter toute le
monde, dotée d'une mère silencieuse et effacée qui n'a pas le courage de
réagir contre son père, et d'un beau-père gentil mais complètement sous
la coupe du grand-père, incapable de se rebeller sous peine de voir son
homosexualité révélée au grand jour. Car le noeud du problème est là:
les apparences, toujours les apparences à sauver coûte que coûte.
Qu'importe la vérité des gens, du moment que la famille donne pour
l'extérieur une image bien sous tout rapports. Je ne dirais pas ici la
raison exacte qui a causé son transfert chez les mauvaises filles, pour
ne pas spoiler les fuurs lecteurs, mais Maria, l'électron libre, ne
donne pas dans la dentelle lorsqu'il s'agit de casser l'image de sainte
qu'on attend d'elle, et qu'elle traîne comme un boulet avec ce nom si
peu japonais. Ouvertement bisexuelle, elle est du genre à affronter au
couteau un chef de gang et à la ridiculiser ou à payer une bande de
loubard pour casser la gueule à un camarade, afin de voir " le charme
d'une bonne bagarre".
Et surtout, elle semble attirer à
elle tout ce que la ville compte comme dépressifs ou paumés. Ou plutôt,
elle agit involontairement comme un déclencheur qui révèle la
perversité des gens "bien sous tous rapports". Car finalement la
violence physique des bagarres entre gangs lycéens n'est rien par
rapport à la violence psychologique exercée par le grand père de Maria,
ou la domination abusive jusqu'à l'inceste de la mère de Kirihito,
éphémère petit ami de Maria.
Oui, je le souligne, car même s'il
n'y a pas de scènes vraiment trop cochonnes, il y est quand même
ouvertement question d'homosexualité, de bisexualité, d'inceste, de
violence et de suicide.
En fait, pour ceux qui l'auraient vu, le
personnage de Maria me fait énormément penser au héros sans nom de
Théorème de Pasolini ( car l'un comme l'autre bouleversent totalement la
vie des gens qu'il croisent et avec qui ils couchent, jusqu'à la folie
et au suicide, ou jusqu'à ce qu'ils réagissent enfin).
Au
final, j'ai bien aimé ce titre. En fait, au sujet des gangs de lycées,
je craignais quelque chose d'assez racoleur, mais non, on reste dans la
subtilité, malgré quelques passages kitsch. Je lirais donc probablement
le tome 2 lorsque je le trouverai, ce qui n'est pas évident, je le cherche depuis des mois en librairie, je vais devoir me résoudre à le commander, car ce n'est pas exactement un titre "grand public"
Je ne connaissais pas le
mangaka, mais la couverture sobre me rappelait une autre vue en rayon:
bingo! Kamimura est également l'auteur de Lady Snowblood et du Fleuve
Shinano, parus depuis 2 ou 3 ans. Allez, tout de même un petit
reproche: il est dommage, vraiment dommage que les personnages
secondaires ne soit qu'ébauchés, en particulier la copine lesbienne de
Maria, plus attachante qu'il n'y parait au premier abord. C'est
d'ailleurs le seul personnage qui soit vraiment proche de l'héroïne, sa
seule vraie amie, c'est d'autant plus dommage qu'elle n'ai même pas de
nom. Pas plus que les autres élèves d'ailleurs.
Moi qui voulais
justement découvrir plus de mangas " vintage", je suis ravie de voir que
les publications commencent à se faire plus nombreuses en France.
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