Voilà une lecture que je n'avais jamais faite, et pourtant ce manga fleuve (21 tomes) a déjà presque 25 ans.
Il faut dire que deux choses me rebutaient particulièrement: le graphisme, avec ses personnages ultra filiformes à la limite du bonhomme bâton, et l'un des personnages centraux ( la meuf chochotte qui se plaint sans cesse)
Mais un jour d'ennui, dans une bibliothèque où c'était l'un des titres disponibles, je me suis donc tapé les 3 premiers tomes.
Et.. même si le graphisme et l'héroïne ne sont effectivement pas ma tasse de thé, c'est pas si mal. Pas oufissime, mais pas si mal et j'aime bien les personnages secondaires, Jun, Keisuke, Shin et sa situation particulière, Yasu qui est vraiment le pote qu'on aimerait tous avoir, et Nana- O - la -punkette.
Donc de quoi que ça parle? De deux nanas qui se nomment Nana ( oui, elle est facile celle-là), soit en japonais, " Sept" ( avec ma date de naissance bourrées de 7, je pourrais aussi être une nana, je dois dire). Le 7 est un chiffre assez ambivalent au Japon, associé au bonheur et à la chance comme dans beaucoup de traditions ( les sept divinités du bonheur), il est aussi assez mal perçu dans sa lecture d'origine " shichi", qui sonne comme " la mort et le sang", donc pour éviter cette sonorité mal aimée, on préfère lui donner sa lecture typiquement japonaise " nana". Le chiffre porte bonheur en Asie est plutôt le chiffre 8, et Hachi,"8" est aussi le surnom que Nana O donne à Nana 4 pour la charrier et se différencier, et au fil des tomes, ce surnom est utilisé par d'autres personnages.
Mais qui sont ces "Nana". Le premier tome est une sorte de prologue, qui par moitié, présente des deux personnages centraux, dotés du même prénom.
Nana Komatsu, c'est la fifille, la barbie, celle qui aime la mode, les couleurs flashy, les fleurs, et les trucs girly. C'est aussi une sentimentale, mais.. dans le mauvais sens du terme. Elle est malheureuse en amour parce qu'elle tombe amoureuse tous les 2 jours, parfois même de garçons à qui elle n'a pas adressé la parole, se fait des films, et... devient très vite envahissante, ce qui d'une part fait fuir les gens normaux, mais la désigne aussi comme proie parfaite pour les hommes mariés en quête d'une aventure sans lendemain. Et c'est ce qui lui arrive, son amant plus âgé qu'elle part à Tokyo pour le travail et la plaque, elle va donc se jeter dans les bras d'un camarade de sa promo en école d'art. Ecole d'art qu'elle a choisi pas vraiment par goût, mais pour rester avec Jun sa meilleure amie. Car Nana K est une suiveuse, qui ne s'intéresse aux choses que pour séduire le nouvel élu,de son coeur, et n'a pas de goûts ou d'avis vraiment personnel. Problème: toute sa bande de copains à réussi les concours d'entrée en fac à Tokyo, elle non, et donc, elle doit attendre un an avant de les rejoindre.
Nana Ôsaki, c'est tout le contraire: punkette à tatouages, piercings, style tout droit sortit de Camden à Londres, elle a ses goûts , son franc parler, ne se laisse pas marcher sur les pieds.. et est heureuse en amour. Elle a une relation harmonieuse avec Ren, le guitariste du groupe de punk rock dans lequel elle est chanteuse. Mais Ren se voit offrir une place de guitariste dans un autre groupe prometteur à Tokyo, et c'est l'occasion de sa vie de percer nationalement en tant que musicien professionnel. C'est donc nana qui rompt, ne voulant pas le suivre en tant que "petite amie du guitariste d'un autre groupe", elle veut faire es preuves en tant que chanteuse et ne montera à Tokyo que lorsque la possibilité de devenir elle aussi chanteuse professionnelle se présentera.
Et c'est dans le train que les deux filles que tout oppose, y compris leur statut social, se rencontrent ( Nana Ô vient d'une famille pauvre, a été abandonnée très jeune par ses parents aux soins d'une grand-mère qui lui a vite inculqué la nécessité de trimer pour avoir ce qu'elle veut, Nana K est la deuxième d'une fratrie de 3, dans une famille asse remuante mais solidaire, et plutôt aisée, ce qui lui permet de faire ses études sans vraiment travailler. N'ayant pas le besoin absolu de gagner son argent, elle ne prend de petits boulot que pour draguer quelqu'un). Cette rencontre aurait pu rester sans importance si le hasard ne les remettait pas en contact, quelques jours plus tôt, lorsqu'elles cherchent à se loger. La solution est vite trouvée: devenir colocataires.
Et contre toute attente, elles s'entendent bien, et c'est le début d'une histoire d'amitié fusionnelle, qu'on devine relatée quelques années plus tard par Nana K., qui insiste sur l'importance que Nana Ô a eu sur son avenir, sur le modèle de femme indépendante qu'elle a été pour elle, incapable au début de comprendre qu'un travail est quelque chose de sérieux. On ne sait pas encore ce qui a pu se passer, mais toujours est-il que Nana Ô est devenue une boussole qui l'a aidée à ne pas sombrer lorsque la dépendance affective l'entraînait trop loin.
Et pour moi, Nana K devient supportable grâce à Nana Ô et Jun qui la charrient et la fon revenir sur terre, comme la lectrice que je suis aimerait le faire.
Car c'est bien de l'importance de l'amitié lorsque les choses deviennent difficile qu'il est question, mais aussi de thèmes sérieux: comment trouver son équilibre dans le monde du travail, comment devenir adulte dans une société aussi peu tolérante que le Japon l'est en ce qui concerne les marginaux ( Nana Ô et ses copains), comment supporter les inévitables ruptures, amicales ou amoureuses...
Il y a aussi d'autres thèmes encore plus sombres, telle la prostitution juvénile qui était et est toujours un fléau au Japon.
Pour ces points là, la série est intéressante et mérite qu'on ferme les yeux sur son graphisme ( qui s'il est plutôt moche de mon point de vue, a au moins le mérite d'être différent et personnel, c'est déjà pas si mal pour un shojô, beaucoup sont des copies conformes les uns des autres. Donc plutôt une bonne surprise, puisque je m'attendais à le trouver décevant au vu de son succès général.
Mention aussi aux astucieuses ouvertures, qui présente par instantanés, une journée des copines: 1 - Nana O attend dans le salon, 2- elle est rejointe par Nana K, 3 - Elles partent ensemble, etc... et forment une BD sans paroles à elles seules