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vendredi 7 février 2014

Histoire d'un squelette - Matayoshi Eiki

La lecture du jour est une trouvaille faite tout à fait par hasard dans les rayons de la médiathèque. Le titre m'a intriguée, le résumé m'a bien tentée...
la couverture ne reflète en rien le contenu de l'histoire..

voici ce que dit la 4° de couverture:

"Tout commence lorsqu’on exhume le squelette d’une jeune femme emmurée vivante en sacrifice au XIIe siècle. Découverte archéologique, mais dans ce village de la lointaine île tropicale d’Okinawa, loin, bien loin du Japon métropolitain, le chamanisme est très puissant et les morts cohabitent avec les vivants. Aussi chacun a-t-il son idée sur ce squelette et sur ce qu’il conviendrait d’en faire. Et lorsque s’en mêle un jeune naïf tout frais débarqué de la préfecture, les rancoeurs et les vanités familiales pourraient bien venir perturber une histoire d’amour qui avait pourtant bien commencé, à l’ombre des banians et des énigmatiques ossements d’une jeune vierge.

Lire Matayoshi Eiki, c’est découvrir un pan méconnu de la littérature japonaise. L’île d’Okinawa n’a été rattachée au Japon qu’à la fin du XIXe siècle, et sa littérature y a une saveur plus proche de la littérature créole que de Kawabata ou Mishima. Autour de la découverte de ce squelette, c’est toute une communauté villageoise qui se dévoile à nous, avec ses coutumes, ses rivalités, ses personnages hauts en couleur, décrits avec beaucoup de drôlerie par l’auteur qui nous initie au passage à maintes traditions de son île natale.

Né en 1947, Matayoshi Eiki, premier auteur d’Okinawa lauréat du prestigieux prix Akutagawa (l’équivalent du Goncourt au Japon), ne s’est jamais absenté plus de trois semaines d’affilée de son île natale et y a le statut de héros national. Il vit aujourd’hui de sa plume et poursuit une oeuvre originale imprégnée des croyances et de la culture okinawaïennes."


rempart d'un gusk à Okinawa


Et en effet, pas grand chose à voir avec ce que l'on peut connaître de la littérature japonaise du Honshû, l'île principale. Ici, le héros, pourtant Okinawaïen de souche, mais venu de la grande ville se trouve en total décalage avec le monde rural qu'il découvre. Ici, pas de secrets, les commères connaissent tout sur tout le monde, personne ne s'embarre de convenances et de politesses mielleuse, les pêcheurs se targuent d'une illustre ascendance enracinée depuis des siècles dans le patelin. Et la découvert d'un squelette du XII° siècle dans les ruines du Gusk local (château en pierre) vient mettre un sacré bazar dans ce recoin perdu. Meitetsu, donc, piteux héros, et grand naïf ( il s'est fait escroquer de vingt millions de yens quelques années avant par un collègue de travail beau parleur) qui semble avoir un don pour se mettre dans le pétrin, trouve un petit travail sur le chantier de fouilles archéologiques, en faisant du gringue à la responsable des fouilles, Kotono.
Sitôt après avoir conclu avec elle ( au bout de deux jours), il rencontre les anciens propriétaires du terrain ou se trouve le gusk, les aubergistes Masanobu- le père- et Sayoko - la fille, qui se targuent de descendre des habitants du gusk, peu importe que le squelette soit du XII° siècle et le gusk du XVI°, dans leur idée, c'est arrêtés, le squelette est une aïeule lointaine. Bien évidemment, ils se dépêchent d'embobiner Meitetsu le naïf, afin de le rallier à leur cause, à grand coups de verres d'awamori, le saké local. Sayoko, surtout, sous ses airs de gentille fille mystique se révèle une redoutable manipulatrice, qui sit parfaitement user des ses charmes. Et hop.. deuxième conquête en deux jours. Et Meitetsu se retrouve tiraillé entre Kotono, la scientifique entêtée qui espère prouver que les habitants d'okinawa, qu'elle déteste bien que son père soit du patelin, descendent tous de pirates Wakô qui écumaient la mer de Chine au moyen âge. Et Sayoko, qui entend prouver que ses ancêtres, elle en est sûre, sont descendant de nobles familles indigènes et de prêtresses animistes. Meitetsu s'empresse de prendre le parti de Sayoko ( parce qu'elle est une meilleure affaire au plumard, ce n'est pas dit clairement, mais..), et la suit dans son délire, entreprend de transformer avec elle l'auberge en "musée du squelette" dans le but de redorer le blason de Masanobu et Sayoko.
Mais on ne s'improvise pas directeur de musée du jour au lendemain,  et sans rien à exposer, ni projet précis, autour d'un squelette sur lequel tous les avis divergent, c'est bien sûr un échec. Là dessus arrive l'ex-mari de Sayoko, acteur du nô, spécialisé en rôle onnagata ( voir sujet sur "la mort en été").. et Meitetsu va encore se faire plumer en beauté sans rien voir venir, obnubilé qu'il est par son musée et la confusion qu'il fait plus ou moins entre Sayoko et le squelette.

J'ajouterai qu'en plus de donner une foule de renseignements sur Okinawa, ses coutumes, ses traditions - et son mysticisme, ce livre est drôle: des personnages tous plus ou moins allumés, des situations absurdes et cocasses (mention spéciales aux visiteurs tous cinglés, qui viennent visiter le "musée du squelette", en espérant tous tirer la couverture à eux: groupes religieux, politicards, manifestants pacifistes.. un grand moment). Le traducteur a pris le parti de garder les termes japonais qu'il explicite brièvement, on apprend donc pas mal de choses sur l'histoire et les traditions locales ( j'ai donc découvert que les perles de collier en forme de 9 ou de griffe qu'on voit parfois sur les peintures japonaises s'appellent des magatama, ou que la société traditionnelle d'Okinawa est organisé en munchû, un cercle de famille élargi qui rappelle un peu les clans écossais), tout un tas de choses fort intéressantes et qui donne une vision d 'un autre Japon que celui des cours impériales ou des mégalopoles.  Drôle, absurde,  et instructif, que demander de plus.

Il va me falloir chercher de la lecture en provenance d'Hokkaido maintenant!
(article repris de mon autre blog)

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