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lundi 6 avril 2015

Seins et oeufs - Kawakami Mieko


"Seins et oeufs", ce titre étrange m'intriguait depuis un moment. C'est l'histoire de Makiko, une quadragénaire qui vivote à Ôsaka en élevant seule sa fille Midoriko, 11 ans, et peinant à joindre les deux bouts avec son travail dans un bar plutôt miteux. Et pourtant cette femme avec si peu de revenus est soudain la proie d'une obsession: se faire refaire les seins. Une marotte qui déplaît souverainement à Midoriko: elle grandit, voit changer son corps, plusieurs de ses copines ont eu leurs ragnagnas et l'idée que ça va lui tomber sur la tête un de ces jours et qu'elle va subir ça une fois par mois prenant des décennies la déprime au plus haut point ( nota: je la comprends totalement de ce point de vue). Pour elle pour qui ce changement est une malédiction, l'obsession de sa mère est incompréhensible. D'autant que Makiko rebat les oreilles de tout le monde avec cette opération, mais ne donne jamais le moindre début d'une explication ou d'une raison. Le choses finissent souvent en dispute avec sa fille qui pour éviter ça, décide de ne plus parler, mais là encore, Makiko ne se pose pas de question, obnubilée par sa poitrine. Le duo déboule un beau jour, chez Natsu, la soeur de Makiko, et la tante de Midoriko. Les choses vont-elles s'arranger grâce à l'intervention d'une tante extérieure à la dispute?

En voilà un que j'ai eu du mal a me procurer à la bibliothèque, apparemment il a eu beaucoup de succès.
Et en fait c'est une déception pour moi.

Le sujet était pourtant intéressant à la base: des relations mère-fille tendues, le point de vue de 3 femmes de la même famille mais d'âges différents sur la pression sociale faite aux femmes et le formatage: être belles, être féminines, avoir des enfants. or finalement, tout ça n'est qu'ébauché.
 Makiko est agaçante à force d'être vaine, jamais elle n'explique la vraie raison de son obsession à se faire refaire la poitrine, elle se met en boucle sur ce sujet, et franchement le lecteur se dit très vite qu'en effet elle devrait consulter un médecin, mais pas un chirurgien esthétique, c'est plutôt au niveau psychologique qu'elle déraille.
Midoriko, la gamine en plein désarroi est un personnage plus réussi, les pages qui relatent sa souffrance intérieure en nous donnant accès à son ressenti personnel sont plus intéressantes. Mais voilà, parfois elle s'exprime bien, presque trop bien pour une fille de 11 ou 12 ans. Mais bon on ne va pas chipoter, les passages où elle s'exprime par écrit sont les meilleurs du livre, et bien qu'étant la plus jeune, c'est vraiment elle la plus réfléchie du trio, en tout cas , celle qui, avec ses expressions parfois enfantines, se pose les vraies questions. Et cerise sur le gâteau, s'interroge parfois sur les mots, le vocabulaire et ce que peuvent cacher les concepts.
 Et Natsu, qui fait l'arbitre entre les deux, bien qu'étant la principale narratrice, reste tellement en retrait, narre, mais sans jamais dire à haute voix ses pensées lorsque sa soeur déraille, elle s'implique peu et reste passive, ce qui fait que l'action n'avance pas et, après un coup d'éclat, ne reste que le statu-quo: certes Midoriko a recommencé à parler, mais elle n'a pas obtenu de réponse lorsqu'elle demande "la vérité" à sa mère. quelle vérité? La vraie raison de cette obsession mammaire, ou la vérité concernant un père qu'elle ne connait pas et qui a  filé à l'anglaise à sa naissance? Au court de ma lecture, j'ai plutôt l'impression que c'est cette seconde chose qui aurait débloqué la situation, et aurait donné un nouvel élan au sujet. Mais non, rien de ce côté.

C'est dommage, il y avait des choses à dire sur la pression sociale, la représentation de LA femme dans l'idée collective ( et ceux qui me connaissent savent à quel point je peux gueuler tous les ans contre" la journée de LA femme".. sans dec' on est plus de 3 milliards et demi d'individus ayant 2 chromosomes X sur terre, il serait temps de mettre au pluriel. On ne se ressemble pas toutes et c'est tant mieux), c'est à peine évoqué dans un ping-pong verbal rapporté par Natsu entre une fille qui veut se faire refaire les seins et une militante qui l'enjoint de réfléchir à sa soumission à une norme dictée par les médias. Là, il y avait matière, mais le passage est très court, les arguments sont stéréotypés comme peut l'être une discussion entre deux personnes aux idées opposées campant sur leurs positions. Mais au moins il y avait le mérite de débattre, certes en faisant rire.

Sauf que ça n'aboutit à rien. Si encore Natsu utilisait le prétexte pour aborder sujet avec sa soeur, tiens au fait, j'ai entendu ça et ça.. mais là encore, non.

Et des personnages qui s'enlisent dans leur coin à force de non-dit, ça a un peu tendance à me saouler. Du coup je n'ai même pas apprécié la scène de pétage de plombs de Midoriko, censée être libératrice, mais qui tranche tellement avec la banalité de ce qui précédait qu'elle paraît trop théâtrale et fait l'effet d'un pétard mouillé. Et puis le côté symbolique appuyé ( Midoriko pique une crise, et se casse des oeufs sur la tête: les oeufs, les ovules, le symbole de la féminité qu'elle refuse, tout ça.. pas subtil donc)
Donc non, un échec pour moi, surtout par manque de caractérisation des personnages et par le fait que chaque bonne idée soit systématiquement abandonnée pour partira dans une direction platounette. J'aurais vraiment aimé l'apprécier, mais loupé pour moi.

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