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samedi 21 juin 2025

la fanfare au clair de lune (T1) - Yamada Hamachi

 Ho, nouveau manga à sujet musical, ce sera parfait pour le 21 juin.

J'avais continué à lire Nana, mais j'ai plié au bout d'une dizaine de tomes. Le thème musical passait complètement au second plan, et Nana Komatsu m'est vite sortie par les yeux avec ses jérémiades, son immaturité émotionnelle et ses plans Q foireux. Vu que le manga est vite devenu un " holà, ça va trop vite, je ne sais même plus qui se tape qui" vu que les membres des deux groupes ont fortement tendance à sortir avec ceux du groupe rival, j'ai laissé tomber. Ca pourrait bien se passer dans l'arrière salle d'une supérette entre collègues de travail que ça serait pareil donc... intérêt vite perdu.

Donc c'est parti pour un shojo lycéen dans le milieu des fanfares amateurs.




On y suit donc Mizuki, 15, lycéenne de Tokyo en plein burn-out. Dressée comme un parfait chien savant par ses parents, elle craque. Elle n'a pas de loisirs, une vie sociale inexistante, pas d'amis, aucun centre d'intérêt car on lui serine depuis la maternelle que son destin est d'entrer dans une université prestigieuse.  Pour y faire quoi? Ben, elle même ne le sait pas, vu qu'elle n'a pas d'autre horizon que l'entrée à l'université. Elle n'a même aucune idée des matières qui lui plaisent ou non, quant toujours tout traité sur un pied d'égalité. Elle profite donc des grandes vacances ( au printemps au Japon) pour fuguer loin des parents et d'un quotidien insupportable, pour rejoindre sa tante, gérante d'un café restaurant à Akita ( le grand nord, autant dire quitter la capitale pour ce qu'on appelait quand j'étais au collège" le Japon de l'envers", un peu ce qu'un certain président appelait chez nous " la France d'en-bas". Précisément le genre d'endroit où les lycéens qui s'ennuient rêvent de faire le chemin inverse et d'aller étudier... à Tokyo)
Sauf que son vide existentiel la suit, jusqu'au jour où elle fait connaissance d'Akira, le lycéen qui a un petit travail au café. Elle tombe sous le charme non pas d'Akira qui a un sale caractère, mais de sa trompette. Pour la première fois de sa vie, Mizuki s'enthousiasme pour quelque chose, et, pire que tout du point de vue de ses parents, pour quelque chose qui n'est pas en lien avec les études, le prestige, ou la réussite sociale...
Mizuki fait donc des pieds et des mains pour rester à Akita, intégrer le lycée où Akira joue dans une fanfare, pour pouvoir elle aussi se mettre à jouer de la trompette dans la fanfare du lycée.
Problème: elle n'y connait rien, n'a aucune notion de musique, ne sait évidemment jouer d'aucun instrument, ne sait pas marcher au pas et a une nette tendance à baisser les bras quand une nouvelle difficulté se présente, pour aller pleurer dans on coin. Geignarde, trouillarde et pleurnicheuse ( mais au contraire de Nana, elle veut vraiment corriger ce défaut), elle doit donc à la fois apprendre son nouveau loisir, mais ausssi apprendre à faire un truc qu'elle ne sait absolument pas faire: avoir des relations sociales normales et se faire des amis.
C'est mal parti avec Akira qui ne tolère ce boulet que parce que c'est la nièce de son employeuse, maiiiis ils peuvent collaborer: Akira est un excellent trompettiste qui veut aller étudier la musique à l'étranger mais se heurte a un problème majeur: il galère à mort en anglais. Mizuki ne sait pas jouer de trompette mais en tant qu'élève modèle, a un très bon niveau d'anglais...

Bon, c'est un manga ( bizarrement classé seinen, alors que vu le cadre et les thèmes ce serait plutôt un shojo pour moi) plutôt classique: le personnage maladroit qui se retrouve propulsé dans une situation qui lui pose problème, les gens que tout oppose mais qui vont devoir collaborer, la vie à la campagne vs la vie à la capitale, les relations difficiles avec les parents. Mais d'une part, c'est l'histoire d'une fille qui se passionne pour la trompette, et donc ça fait plaisir, et d'autre part ça me rappelle la très sympathique série Hibike Euphonium ( qui a 10 cette année, ce que le temps passe!), et donc c'est une bonne chose.
Et la bonne nouvelle c'est q'il est fini au Japon, et qu'il y a seulement 6 tomes, don  ça reste une série lisible, qui risque moins de de se disperser au fil des tomes.

jeudi 17 avril 2025

La gameuse et son chat ( 8 tomes ) - Nadatani Wataru

 Et hop deuxième manga " feel good " dans la foulée du premier, cette fois avec un personnage adulte. Enfin, d'âge adulte... mais doté d'un centre d'intérêt que la société considère comme puéril, surtout pour une femme: une gameuse.





Et mine de rien, c'est une petite révolution à sa manière car son héroïne 29 ans au début, est une employée de bureau tout ce qu'il y a de plus ordinaire, si ce n'est qu'elle se distingue par son efficacité et sa rapidité. Riko Kozakura, surnommée " Zéro heure sup'" ( ce qui n'est pas un compliment au Japon où faire des heures supplémentaires est considéré comme un gage de sérieux.. mais personne  ne peut rien lui reprocher puisqu'elle arrive toujours à boucler son travail, sans erreur et donc... rien à redire), part toujours à l'heure. A la limite on lui reproche plutôt de ne pas participer aux presque obligatoires soirées post-travail, et comme personne ne sait rien de sa vie en dehors, les collègues se posent des questions. Pourquoi part-elle toujours si vite? Elle est toujours pressée, elle est plutôt jolie, il doit y avoir un homme qu'elle ne veut pas faire attendre..

Rein ne saurait être plus faux. Riko optimise son temps de travail et son temps de transport pour pouvoir geeker à l'aise chez elle en célibataire contente de l'être. C'est une gameuse hardcore. Du genre qui calcule ses activités à la minute près pour pouvoir consacrer tout son temps libre à jouer. Et dans tous les genres: du jeu casual sur téléphone jusqu'au MMORPG, de l'héroïc fantasy à la chasse aux pokemons, du jeu de combat à celui de gestion, elle kiffe tout! Et seule sa soeur est au courant de ce loisir considéré comme bien peu adulte et bien peu féminin. D'autant que physiquement, Riko est l'opposé du cliché de la geekette: une stricte comptable en tailleur.

Jusq'au jour où un chaton perdu est trouvé sur le parking de la société. Personne ne peut le prendre: le patron a déjà 3 autres chats, la collègue d'open space vit dans un immeuble où les animaux ne sont pas autorisés ( c'est courant au Japon), etc.. Et inexplicablement, Riko, qui n'a jamais eu d'animal de compagnie, tombe sous le charme de la boule de poils et l'adopte aussi sec.

Problème, elle est totalement noob en matière de.. tout ce qui n'est pas jeu. Qu'à cela ne tienne, elle va donc envisager la chose sous cet angle. Elle voit la croissance du chat comme de l'augmentation de niveau, son développement comme un gain de compétences, les passages à l'animalerie - où la vendeuse est une "PNG"- comme de l'équipement, les visites chez le véto comme des soins qui permettent de restaurer sa barre de vie et ses points de santé.
Et contre toute attente ça marche. Omusubi le chat ( un synonyme d'onigiri, à cause de sa tête triangulaire) est même ensuite doté d'un "compagnon de quête", nommé Soboro ( dont le nom désigne une sorte boulette de poulet à la sauce soja) et tous deux font une équipe d'exploration redoutable. Peu a peu le monde de Riko devient moins virtuel. Toujours aussi high tech, mais un peu plus tourné vers le vivant.

Et ses chats deviennent si important que, lorsque Riko se trouve contrainte de choisir entre ses chats et son travail ( la société déménage et il lui est impossible de trouver un appartement qui accepte les chats à une distance raisonnable de son nouveau poste, et dans son budget), ce sont les chats qui priment.

Une petite lecture à nouveau sans prise de tête mais, que ça fait plaisir de voir un personnage féminin à l'aise dans sa vie, qui assume ses loisirs différents, qui contre toute attente se fout totalement de la pression sociale et vit très bien son célibat de trentenaire qui n'a aucun projet familial. Et n'en fait pas une affaire d'état. Ce n'est ni un stress, ni une revendication, c'est juste sa manière d'être. Rien que pour ça, ça m'a beaucoup plu.

Le petit monde de Machida ( manga 7 tomes) - Andô Yuki

 Encore une série piochée un peu au hasard, à cause de son titre intrigant.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, une comédie lycéenne probablement.

C'est un peu ça, mais pas tout à fait. Lycéen, oui, comédie, pas tellement même si certains passages sont souvent drôles.



Hajime Machida, c'est le type ultra banal, et déjà ça.. ce n'est pas très banal.

Un héros lycéen quelconque. aAu physique moyen. Avec des lunettes, qui font que tout le monde le prend pour un intello... alors que c'est un élève très médiocre qui peine à atteindre la moyenne.
Il est nul en sport. Il est nul en cuisine. Il n'a pas de hobby particulier. Il n'est doué en rien de spécial.
Bref, le mec ultra normal.
A une chose près, il est très observateur. Et gentil. Les deux caractéristiques additionnées font qu'il sait instinctivement quoi dire ou quoi faire pour remonter le moral à quelqu'un. Il est par exemple le premier à se rendre compte que la mamie du coin de la rue a changé de coiffure, et la félicite. Ou à se proposer pour aider une prof âgée à transporter des cartons. Où à aider un camarade harcelé.

Donc tout le monde l'aime bien  parce que c'est le type sympa. Au point d'avoir un succès incroyable avec les filles, alors qu'il est " quelconque", et... de ne même pas s'en rendre compte.
Car notre type lambda est aussi d'une naïveté absolue, qui pourrait en faire un pigeon ultime ( il manque d'ailleurs dans un des épisodes se faire rouler par une nana qui l'utilise pour rendre son ex jaloux, sauf que.. son sens de l'observation lui fait vite remarquer non qu'elle le drague, mais qu'elle n'a pas fait une croix sur celui qu'elle a pourtant plaqué).

Et dans la réalité, c'est bien souvent le cas: le mec gentil, serviable et naïf est pris pour un con par l'univers entier qui y voit la bonne poire.
Bon, c'est partiellement le cas: aîné d'une fratrie de 5, avec une mère enceinte du 6° enfant ( laquelle a un bon caractère, mais aucune imagination puisque ses enfants se nomment par ordre d'arrivé: un, deux, trois... Hajime signifie " premier"), un père scientifique qui revient 2 semaines en vacances juste le temps de faire l'enfant suivant à sa femme.. C'est sur lui que tout le monde compte. Au point d'être vraiment dépendants de ce grand frère "papa poule" (oui, c'est une référence que seuls les quadragénaires connaissent).
Et au fil des tomes, il va aussi faire la connaissance d'une camarade de classe qui est devenue totalement asociale depuis qu'elle a été victime... pas vraiment de harcèlement scolaire, mais plutôt d'ostracisme. Et pourtant la fille qui n'attend rien de personne va finir par se socialiser au contact de ce nouveau copain qui considère tout le monde comme sa famille. Attention spoiler qui n'en est pas un pour les nippophones, elle se prénomme "Nana", donc.. 7. Nom qui la classe d'office dans la liste des frères et soeurs, du moins de coeur, d'Hajime. Elle qui a une famille dysfonctionnelle et ne sait pas ce que c'est que la vie de famille a bien du mal à comprendre le fonctionnement de cette tribu qu'elle considère comme "un peu à l'ouest".

Un héros aussi gentil et naïf, ça augure de quelque chose d'un peu cucul-la-praline. Et honnêtement, ça l'est, parce que la simple vision de Machida par des inconnus agit sur eux comme un catalyseur, à la limite de la magie, et leur donne immédiatement envie d'être bons, généreux, de se rabibocher avec leurs proches, d'adopter des chiens abandonnés... j'exagère mais pas tant que ça.

Mais en filigrane il y a quand même des choses intéressantes qui transparaissent sur la société japonaise, via les personnages adultes: la mère au foyer qui attend son mari et délègue le soin des plus jeunes à ses aînés ( ce qui sous entend que ce n'est pas habituel, la femme doit tout faire à la maison dans la conception japonaise ) la tante qui n'ose se résoudre à dire qu'elle est stérile ( la honte dans une société où on attend d'une femme qu'elle soit épouse et mère), le fait que le fils aîné doive endosser un rôle de ère de famille alors qu'il a 16 ans., la prof de 40 ans qui son célibat fait complexe (au Japon, à 25 ans, une femme est périmée sur le marché du mariage), le col-blanc qui fait des heures sup' et se plonge tellement dans son travail qu'il ne voit pas que son couple bat de l'aile, les retraités que leur famille ne vient plus voir...

Il n'y a pas qu'au Japon que c'est comme ça, d'ailleurs, mais ce sont en tout cas des thèmes sociaux que l'auteur mentionne discrètement...et auxquels son anti héro sympa apporte une solution idéalisée.
Donc oui, du manga "feel good", qui ne va pas super loin dans la dénonciation, mais ça ne fait pas de mal une fois de temps en temps, une lecture légère et optimiste qui donne l'illusion que le monde ne va pas si mal . Et puis bon Machida c'est un peu le pote qu'on aimerait avoir: un peu naïf, mais sympa et surtout, ni calculateur, ni manipulateur. D'un naturel désarmant. Son seul problème est qu'il est si attentif aux autres qu'il ne l'est pas à lui même et est incapable de se connaitre vraiment... Et qu'il n'a pas un autre ami du même genre en face de lui pour l'aider à se trouver.
Donc il ne faut pas s'attendre à grand-chose, l'histoire est cousue de fil blanc, la fin se voit venir de loin ( et en même temps, tout autre fin n'aurait pas eu de sens), c'est un manga "gentil" et parfois ça ne fait pas de mal.
Et puis en résistant à la méchanceté globale, Machida ne serait-il pas plus punk qu'il en a l'air? ( ouais, non quand même pas)
Mais j'aime beaucoup cette idée que quand le monde entier est cruel, être sympa, c'est putain de punk!
Soyez des putains d'punks!

mercredi 4 septembre 2024

Nana tomes 1 à 3 - Yazawa Ai

 Voilà une lecture que je n'avais jamais faite, et pourtant ce manga fleuve (21 tomes) a déjà presque 25 ans.
Il faut dire que deux choses me rebutaient particulièrement: le graphisme, avec ses personnages ultra filiformes à la limite du bonhomme bâton, et l'un des personnages centraux ( la meuf chochotte qui se plaint sans cesse)

Mais un jour d'ennui, dans une bibliothèque où c'était l'un des titres disponibles, je me suis donc tapé les 3 premiers tomes.
Et.. même si le graphisme et l'héroïne ne sont effectivement pas ma tasse de thé, c'est pas si mal. Pas oufissime, mais pas si mal et j'aime bien les personnages secondaires, Jun, Keisuke, Shin et sa situation particulière, Yasu qui est vraiment le pote qu'on aimerait tous avoir, et  Nana- O - la -punkette.


Donc de quoi que ça parle? De deux nanas qui se nomment Nana ( oui, elle est facile celle-là), soit en japonais, " Sept" ( avec ma date de naissance bourrées de 7, je pourrais aussi être une nana, je dois dire). Le 7 est un chiffre assez ambivalent au Japon, associé au bonheur et à la chance comme dans beaucoup de traditions ( les sept divinités du bonheur), il est aussi assez mal perçu dans sa lecture d'origine " shichi", qui sonne comme " la mort et le sang", donc pour éviter cette sonorité mal aimée, on préfère lui donner sa lecture typiquement japonaise " nana". Le chiffre porte bonheur en Asie est plutôt le chiffre 8, et Hachi,"8" est aussi le surnom que Nana O donne à Nana 4 pour la charrier et se différencier, et au fil des tomes, ce surnom est utilisé par d'autres personnages.

Mais qui sont ces "Nana". Le premier tome est une sorte de prologue, qui par moitié, présente des deux personnages centraux, dotés du même prénom.

Nana Komatsu, c'est la fifille, la barbie, celle qui aime la mode, les couleurs flashy, les fleurs, et les trucs girly. C'est aussi une sentimentale, mais.. dans le mauvais sens du terme. Elle est malheureuse en amour parce qu'elle tombe amoureuse tous les 2 jours, parfois même de garçons à qui elle n'a pas adressé la parole, se fait des films, et... devient très vite envahissante, ce qui d'une part fait fuir les gens normaux, mais la désigne aussi comme proie parfaite pour les hommes mariés en quête d'une aventure sans lendemain. Et c'est ce qui lui arrive, son amant plus âgé qu'elle part à Tokyo pour le travail et la plaque, elle va donc se jeter dans les bras d'un camarade de sa promo en école d'art. Ecole d'art qu'elle a choisi pas vraiment par goût, mais pour rester avec Jun sa meilleure amie. Car Nana K est une suiveuse, qui ne s'intéresse aux choses que pour séduire le nouvel élu,de son coeur, et n'a pas de goûts ou d'avis vraiment personnel. Problème: toute sa bande de copains à réussi les concours d'entrée en fac à Tokyo, elle non, et donc, elle doit attendre un an avant de les rejoindre.

Nana Ôsaki, c'est tout le contraire: punkette à tatouages, piercings, style tout droit sortit de Camden à Londres, elle a ses goûts , son franc parler, ne se laisse pas marcher sur les pieds.. et est heureuse en amour. Elle a une relation harmonieuse avec Ren, le guitariste du groupe de punk rock dans lequel elle est chanteuse. Mais Ren se voit offrir une place de guitariste dans un autre groupe prometteur à Tokyo, et c'est l'occasion de sa vie de percer nationalement en tant que musicien professionnel. C'est donc nana qui rompt, ne voulant pas le suivre en tant que "petite amie du guitariste d'un autre groupe", elle veut faire es preuves en tant que chanteuse et ne montera à Tokyo que lorsque la possibilité de devenir elle aussi chanteuse professionnelle se présentera.

Et c'est dans le train que les deux filles que tout oppose, y compris leur statut social, se rencontrent ( Nana Ô vient d'une famille pauvre, a été abandonnée très jeune par ses parents  aux soins d'une grand-mère qui lui a vite inculqué la nécessité de trimer pour avoir ce qu'elle veut, Nana K  est la deuxième d'une fratrie de 3, dans une famille asse remuante mais solidaire, et plutôt aisée, ce qui lui permet de faire ses études sans vraiment travailler. N'ayant pas le besoin absolu de gagner son argent, elle ne prend de petits boulot que pour draguer quelqu'un). Cette rencontre aurait pu rester sans importance si le hasard ne les remettait pas en contact, quelques jours plus tôt, lorsqu'elles cherchent à se loger. La solution est vite trouvée: devenir colocataires.
Et contre toute attente, elles s'entendent bien, et c'est le début d'une histoire d'amitié fusionnelle, qu'on devine relatée quelques années plus tard par Nana K., qui insiste sur l'importance que Nana Ô a eu sur son avenir, sur le modèle de femme indépendante qu'elle a été pour elle, incapable au début de comprendre qu'un travail est quelque chose de sérieux. On ne sait pas encore ce qui a pu se passer, mais toujours est-il que Nana Ô est devenue une boussole qui l'a aidée à ne pas sombrer lorsque la dépendance affective l'entraînait trop loin.
Et pour moi, Nana K devient supportable grâce à Nana Ô et Jun qui la charrient et la fon revenir sur terre, comme la lectrice que je suis aimerait le faire.

Car c'est bien de l'importance de l'amitié lorsque les choses deviennent difficile qu'il est question, mais aussi de thèmes sérieux: comment trouver son équilibre dans le monde du travail, comment devenir adulte dans une société aussi peu tolérante que le Japon l'est en ce qui concerne les marginaux ( Nana Ô et ses copains), comment supporter les inévitables ruptures, amicales ou amoureuses...
Il y a aussi d'autres thèmes encore plus sombres, telle la prostitution juvénile qui était et est toujours un fléau au Japon.

Pour ces points là, la série est intéressante et mérite qu'on ferme les yeux sur son graphisme ( qui s'il est plutôt moche de mon point de vue, a au moins le mérite d'être différent et personnel, c'est déjà pas si mal pour un shojô, beaucoup sont des copies conformes les uns des autres. Donc plutôt une bonne surprise, puisque je m'attendais à le trouver décevant au vu de son succès général.

Mention aussi aux astucieuses ouvertures, qui présente par instantanés, une journée des copines: 1 - Nana O attend dans le salon, 2- elle est rejointe par Nana K, 3 - Elles partent ensemble, etc... et forment une BD sans paroles à elles seules

samedi 27 juillet 2024

Running girl - Shigematsu Narumi

 Et c'est le grand retour du manga/ animé sportif de l'été.

J'ai repéré celui-ci à la bibliothèque où je travaille, et le sujet m'a paru intéressant, puisqu'on y parle de handisport.

Graphiquement, il n'est pas renversant, même s'il faut lui reconnaître un  grand soin apporté au réalisme des prothèses, validé par toute une équipe de consultants dans ce domaine.
Narrativement non plus, dans le sens où on retrouve le schéma ultra classique du personnage central qui a un problème, doit le résoudre et va le faire avec brio, soutenu par une équipe soudée d'amis.. et quelques opposants jaloux de ses succès, et sous la houlette d'un "maître" grognon qui poursuit ses propres buts.
Mais faire une oeuvre novatrice n'est pas le propos, l'objectif est de faire connaître le domaine du handisport, qui, il faut bien l'admettre, est encore le parent pauvre lors des diffusions médiatiques.



Ici, Rin, lycéenne de 16 ans, amputée  d'une jambe suite à une maladie, va retrouver l'énergie et l'espoir en découvrant l'athlétisme handisport. Son talent et sa ténacité la font repérer de monsieur Kazami, prothésiste, qui a justement d'un sprinter à son service, pur être le "représentant" de ses lames de course. en effet, la société pour laquelle il développe les lames estime que le projet est trop couteux pour un retour sur investissement suffisant, et menace de fermer cette section si ses lames ne se distinguent pas lors d'une course régionale. Kazami lui, vise plus haut: il espère que les lames de sa fabrication mèneront un athlète jusqu'aux jeux paralympiques.

Rin a besoin des prothèses de compétition de Kazami pour retrouver le goût de vivre via le sport, Kazami à besoin d'une athlète talentueuse pour prouver la qualité de ses prothèses. Ces deux-là vont donc devoir travailler ensemble pour mener à bien cet objectif avant l'échéance des jeux de Tokyo ( le manga date de 2020)


Et donc en trois tomes on suit son parcours non jusqu'aux jeux paralympiques, mais jusqu'aux épreuves de sélection pour ceux-ci, car pour elle la victoire est moins la sélection, que les étapes qui y mènes, comment elle passe en 2 ans de lycéenne déprimée par sa maladie, et ce qu'elle a perdu, à athlète motivée pour se surpasser. C'est aussi le parcours de changement qu'elle amène aux gens qu'elles rencontrent: Kazami, dont au départ l'objectif est très personnel, se rend compte que ses prothèses peuvent vraiment changer la vie des gens qui en ont besoin. Kei, la championne d'athlétisme du lycée, orgueilleuse et individualiste, qui découvre au contact de cette nouvelle camarade - dont l'enthousiasme malgré le handicap la pousse à intégrer un club de sport classique-  le plaisir de la course de relai et du travail d'équipe. Le petit garçon passionné de foot, et qui pense devoir renoncer à son loisir après l'amputation, et qui retrouve lui aussi sa raison d'exister avec la découverte du handi-sport.
Et même la mangaka qui en préparant son sujet, a rencontré des sportifs handicapés qui lui ont fait découvrir leur monde, leurs parcours et leur ténacité.
Donc, peu importe de savoir si Rin va se qualifier pour les jeux, et d'ailleurs en seulement trois tomes, tout va à toute vitesse, les personnages secondaires apparaissent et disparaissent.. comme dans la vie finalement, quand on change de club ou d'établissement, on ne sait pas ce que deviennent les anciens camarades, chacun faisant sa vie de son côté.

Donc oui, on peut lui reprocher d'être trop court pour vraiment approfondir certains personnages et leurs relation, et de précipiter un peu les péripéties, mais ce n'est pas non plus l'objectif d'avoir une histoire haletante. Mais c'est une lecture sympa qui a le mérite de mettre en avant un sujet rare et parfois difficile, sans insister lourdement sur le pathos. Je n'en attendais pas grand chose, je le qualifierai donc de "bonne surprise"

mardi 27 août 2019

Le Mari de mon frère t1 à 3 - Tagame Gengoroh

Voilà un titre que j'avais repéré depuis un certain temps déjà, et je pensais à la couverture qu'il s'agissait d'une petite fille qui pour une raison quelconque, habitait avec son frère aîné et le mari de celui ci, et des difficultés sociales de cette famille hors du lot, mais .. pas exactement.

De fait, il y est question de mariage pour tous, mais..plus que celà.


Pour planter le décor, Yaichi est un japonais tout ce qu'il y a de plus normal, à ce détail près qu'étant divorcé, c'est lui qui a la garde de sa fille Kana, 7 ou 8 ans, et non sa mère. Et un père divorcé qui a la garde de son enfant (même si dans le contexte, c'est logique: il a plus de temps, car il est propriétaire d'appartements qu'il loue, un travail qu'il fait le plus souvent à domicile, tandis que son ex-femme a une travail très prenant), c'est déjà plutôt rare.

Et donc ce duo père - fille reçoit un jour la visite de Mike, gigantesque canadien au look de bûcheron.Mike n'est autre que le mari, ou plutôt le veuf de Kyôji ,frère jumeau de Yaichi, décédé un mois plus tôt dans un accident. et ce veuf part donc en pèlerinage en mémoire de Kyôji sur les lieux où il a vécu. La situation gène un peu Yaichi, d'autant que Kana insiste pour que son tonton reste avec eux le temps de son séjour, et n'aille pas à l'hôtel. Mais Yaichi est un homme intelligent, qui se rend compte que ses quelques poussées d'homophobie du début sont, une construction sociale qui n'a rien a voir avec la personne qu'est- réellement Mike, authentique type bien et chaleureux, qui fait tout pour déranger le moins possible et se couler dans le mode de vie japonais en faisant oublier qu'il est " gaijin". Et d'ailleurs Kana est d'emblée conquise par ce tonton " qui vient d'un pays où il y a son nom, le "Kanada". Chose qui achève de convaincre Yaichi d'essayer de voir les choses non comme un adulte formaté par la société, mais comme un enfant, comme elle sont. Et à rétrospectivement se demander comment son frère a pris réellement son absence de réaction à l'annonce de son homosexualité, et comment lui prendrait la chose si Kana adulte lui présentait une petite amie.
Donc de saines réflexions.


Lorsque Kana dit que c'est bizarre que deux hommes puissent se marier ensemble eu Canada, mais pas au Japon, ce qu'elle dit en substance, c'est : " trop bizarre que les lois ne soient pas partout pareilles".
Quand elle demande " Mais alors entre toi et Kyôji qui est l'épouse?", elle fait évidemment référence au fait que habituellement , dans un mariage il y a quelqu'un qu'on appelle "mari" ( otto) et quelqu'un qu'on appelle " épouse" ( tsume), donc comment on fait quand les deux sont " otto" et est-ce qu'il peut y avoir des mariages à deux " tsume"?
Pas du tout au fait que ce soit bizarre que deux hommes ou deux femmes se marient ensemble, ou à leurs" rôles" dans le couple .
Evidemment, elle a 7ans, l'amour est une vague notion pour elle, alors la sexualité, n'en parlons pas, elle part du principe " bah, lorsqu'on se marie, c'est parce qu'on s'aime c'est logique.

Car oui, au delà de la thématique gay, il y est aussi question de deuil et de xénophobie. Mike est un étranger, et c'est presque aussi gênant que son orientation aux yeux de certains.


Et les regards en coin, à chaque voyage au Japon, j'en ai eu, sur ma tronche d'occidentale. Surtout qu'étant assez ronde, je ne corresponds pas à l'image d'épinal de la française vhculée par les films, je ne suis ni Carole Bouquet, ni Catherine Deneuve, on me prend à priori pour une américaine et donc, pas la bienvenue depuis la seconde guerre mondiale.
Parce qu'en général à la seconde où quelqu'un a eu le courage de venir me parler et après que je suis française, c'est la détente et la salve de questions sur Paris ( heu, 90% de la population française habite ailleurs, vous savez:D).

Mais le fait est que la xénophobie au Japon est liée à l'histoire récente d'une part et à l'idée que "un étranger ne connaît pas les codes sociaux, il va faire n'importe quoi, nous embarrasser et ce sera la honte sur 15 générations". il est vrai que les groupes de touristes qui arrivent à 50 font souvent n'importe quoi, mais globalement, ce n'est pas une méfiance de l'Etranger à cause de sa nationalité, mais plutôt à cause de sa supposée méconnaissance des codes sociaux japonais ( bon, il est vrai qu'il y a de sombres tartes comme ceux qui demandent le retrait des svatiska indiquant les temples bouddhistes sur les plans parce qu'ils y voient une croix gammée. Prouvant de fait qu'ils viennent en asie sans s'être un minimum renseigné sur la culture locale, et qu'ils ne connaissent rien à l'histoire mondiale non plus car ils sauraient ce qu'est une croix gammée et comment la différencier d'un symbole bouddhiste). Ce n'est pas vraiment, hors groupuscules politiques, une détestation globale de l'étranger.
Et entre mon premier voyage en 2007 et mon dernier en 2013, j'ai vu les choses évoluer: plus d'affichage en anglais, plus de prospectus en plusieurs langues..et les choses vont encore s'améliorer l'an prochain avec les JO de Tokyo, et l'arrivée massive de touristes, avec le vieillissement de la population qui impose un recours aux travailleurs venus des pays voisins. Le Japon va devoir en passer par une plus grande acceptation des étrangers, c'est nécessaire... Et qui dit arrivée d'étranger dit rencontres et mariages internationaux, et enfant binationaux aussi.

En tout cas je remercie l'auteur d'avoir fait un portrait très juste de Mike, un peu cliché du bûcheron canadien, mais pas du tout cliché de la grande folle.
Un homosexuel réaliste mais surtout présenté comme un personnage qui a bien d'autres caractéristiques : débonnaire, passionné par la culture du Japon, amateur de nourriture locale, de voyage, serviable.. son orientation sexuelle est le point de départ mais il n'est pas résumé à ça et ça fait bien plaisir. Un personnage qui ressemble aux gens que je connais dans la vraie vie, à mes amis... un portrait au final très respectueux.

Ce qui m'a fait penser (en plus de la manière très masculine dont sont représentés les hommes) que l'auteur était concerné de près.
Bingo, c'est un militant de la cause LGBT, et un auteur de mangas gays plutôt axés.. violence et SM. Celui-ci est un manga pour tous, absolument pas réservé à un public averti, et franchement j'espère qu'il le poursuivra, car déjà,qui dit plus de public dit une plus grande visibilité, et finalement il se débrouille bien dans le genre tranche de vie humaniste. Sans être le manga de l'année - il y a un côté un peu didactique car le public visé est justement celui qui n'est pas directement concerné, les hétérosexuels qui ne se sont jamais vraiment posé de questions - il y a une justesse de ton qui me plaît, et des réflexions plus profondes qu'il n'y parait, sur la société japonaise où l'homophobie ne semble pas exister.
Ne SEMBLE pas exister, tout est là. On ne fait pas parler de soi, c'est impoli, donc si on sort du placard, c'est le plus souvent au sein de la famille proche, et c'est tout, la société fera en sorte d'ignorer poliment cet état de fait..ce qui veut dire que bon, c'est toléré, mais pas franchement accepté, au nom de la discrétion. Pas formidable non plus comme situation: ça existe, on le sait, mais on n'en parle le moins possible car il est inconvenant de parler de soi ( comme il est inconvenant de parler d'autres sujets épineux: la dépression ou l'alcoolisme par exemple, ou tout ce qui peut déranger l'apparente harmonie de la société)

Donc, je n'ai pu lire que les 3 premiers tomes, car le 4° et dernier en date est sorti des rayonnages de la bibliothèque, il doit y revenir le 30 août, donc s'il n'est pas réemprunté, ou prolongé dans la foulée, je pourrai le lire avant de partir de Belgique.
D'ailleurs ma mère (72ans) arrive demain et je pense que ça l'intéressera de le lire, elle est aussi sensible que moi à ce genres de sujets.

mercredi 19 septembre 2018

All My Darling Daughters - Yoshinaga Fumi

Allez, savoir pourquoi, ça fait des années que ce titre que je n'avais jamais lu m'était resté en mémoire, il m'intriguait, sans pour autant m'inciter à l'achat.

Un passage à la bibliothèque, et il était là, c'est l'occasion où jamais.




Nous avons donc un josei, mettant  en scène des relations familiales complexes, sur plusieurs générations.
D'abord il y a Marie, la mère, et Yukiko, sa fille trentenaire, qui habitent ensemble. Elles s'adorent, mais communiquent peu, ou plutôt, communiquent énormément en se chamaillant sans cesse.


il est édité en français par Sakka, mais je n'ai pas trouvé d'illu' en français..


Yukiko est une fille assez peu sympathique au premier abord, dotée d'un visage " au regard mauvais" comme elle le dit elle-même, un peu souillon et assez flemmarde. Marie est un électron libre qui n'en fait qu'à sa tête, et ce d'autant qu'elle vient de se remettre d'un cancer. Ce qui a été le déclic ( ou plutôt l'excuse) pour proclamer " la vie est courte, à partir de maintenant, je fais ce que je veux".. à quoi Yukiko rétorque immédiatement, " c'est déjà ce que tu as toujours fait".
Et donc Marie, veuve depuis des années, qui a élevé Yukiko seule depuis ses 12 ans, l'informe donc, de but en blanc, qu'elle vient de se remarier, sans en parler à personne, et surtout pas à sa fille. Yukiko prend assez mal la chose, d'autant que son nouveau beau-père, Ken, est plus jeune qu'elle, emménage directement avec elles, a un passé d'hôte dans une club pour femmes mûres ( autant dire, un gigolo professionnel), métier qu'il a abandonné pour se reconvertir comme acteur de série télé historiques.
C'en est trop pour Yukiko,qui évidemment pense que sa mère est juste en train de se faire plumer. ( ce qui n'est pas le cas, le nouveau "mari de Marie" est contre toute attente, un type bien, qui a juste un penchant pour les femmes plus âgées que lui, et des goût commun avec elle)
Mais Yukiko qui se sent e trop, quitte la maison familiale pour habiter avec son petit ami... qui devient son mari aussi, au fil des chapitres. Ce qui ne les empêche pas de squatter régulièrement chez Marie et Ken.autour de ce noyau qui refait le monde à table gravitent d'autres personnages:


Izumi, professeur d'université, et ami de Ken, victime de harcèlement ( et même d'agression sexuelle, oui!) de la part d'une de ses étudiantes, une fille étrange qui se complait dans les liaisons sans issue, interdites ou violentes, avec si possible des hommes qui l'humilient et la rabaissent. Elle quitte d'ailleurs aussi sec celui qui aura l'audace de se montrer tant soi peu gentil ( trop faible de son point de vue), avec elle.

Sayako, copine de Yukiko, jolie femme, douce, avenante.. mais incapable d'aimer réellement qui que ce soit. Au grand dam de sa tante qui s'entête à vouloir lui arranger des mariages, avec des prétendants aussi divers que possible, mais qu'elle trouve toujours une raison pour écarter.
Son grand-père qu'elle adorait, lui ayant appris dès son enfance qu'il ne faut jamais faire de discrimination envers autrui, elle a poussé la logique jusqu'au bout, en estimant qu'aimer quelqu'un en particulier, c'est faire une discrimination envers tous les autres. Aimer quelqu'un en particulier, c'est être injuste envers tout les autres.


Il y a aussi Yuko et Saeki, copines d'enfance de Yukiko, qu'on va suivre, cette fois via le regard de Saeki. Elles étaient inséparables au collège, trois filles modernes s'étant promis de ne pas se laisser mener à la baguette dans un monde masculin, de trouver un travail pour elles même et de ne pas l'arrêter ni renoncer en cas de mariage. Yûko, petite fille d'un marxiste, était la plus  versée dans la lutte des classes, mais ses copines n'ont jamais soupçonné ce qui se passait chez elle. Ni la raison qui l'a poussée à quitter le lycée à 16 ans, préférant les cours du soir, qu'elle a aussi fini  par quitter., abandonnant rêves et projets un à un.. pour finir par proclamer que femme au foyer, c'était parfait.
Pourtant les signes étaient clairs, Yuko était toujours blessée, elle évoquait le caractère insupportable de son père capable de se mettre en colère parce qu'elle " respirait trop fort"..mais ses copines n'ont rien vu, ou ont préféré ne rien voir, ne pas lui demander ( on ne se mêle pas des affaires d'autrui, au Japon, fut-ce un cas avéré de maltraitance)

Et pour boucler la boucle, il y a encore la mère de Marie, avec qui elle a es relations encore plus tendues qu'avec sa fille. La raison est simple: Sa mère ne lui a jamais fait de compliment, a passé au contraire son temps à se moquer d'elle toute son enfance, à critiquer ses dents en avant ( alors que Marie a toujours été jolie: résultat, elle n'a jamais cru les gens qui le lui disaient, puisque sa propre mère - plutôt moche depuis toujours- soutenait le contraire, et lui en garde une rancune tenace). On apprend pourquoi, cependant, cet état de fait est le choix délibéré de la mamie, un choix contestable, mais qui lui paraissait être le meilleur possible.

Un josei plutôt sympa, sur les relations familiales et humaines en général, plutôt complexes.qui insiste sur le fait que les actions qui paraissent difficilement défendables partent parfois d'un bon sentiment, mais peuvent empoisonner la vie de quelqu'un durablement, par manque de communication, par volonté de ne pas mal faire, par généralisation d'un concept...

Plutôt sympa, joliment esquissé.. mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. J'ai l'impression, si réussi soit-il, qu'il m'aurait plus plu il y a quelques années. Depuis, des mangas, livres, films estampillés " tranches de vie", menant une réflexion sur la communication ( en particulier le récent Senses, qui développe bien le sujet" connait-on vraiment ses proches"), il yen a une quantité qui se sont frayé un chemin jusqu'à l'occident, et le sujet parait réchauffé, ou en tout cas, peu original.
Dommage.

mercredi 6 juin 2018

Senses (film 2015)

Il y a quelques temps, j'ai pris la décision, difficile j'avoue, je mettre l'étude du japonais en pause. Pour diverses raisons.
Ce n'est pas un arrêt, mais.. une pause, pour laisser la place à d'autres langues, qui correspondent  d'autres souhaits, d'autres priorités.
Mais je ne tire pas un trait sur 5 ans d'études de la langue et 4 voyages. J'en parle plus longuement ici

Il faut croire que j'ai vraiment du mal à m'en détacher: je l'annonçait le 25 mai, et le soir même j'étais devant les délice De Tokyo avec un pote, suivi dès le lendemain d'une expo sur l'Asie et le dimanche soir devant Zatoichi...
Mais avant de partir en vacances j'avais commencé à voir cette série de films ( 3 films exactement, découpés en 5 parties),  il date de 2015, mais est sorti le mois dernier en France. Et j'attendais donc d'avoir vu l'intégralité pour en parler.

Hop affiche:
Le vrai titre est donc Happy Hour, en kana dans le texte. Mais le titre à l'international n'est pas dénué de... sens, et reste pertinent.

Hop bande annonce, qui invente le concept de "série cinéma".. bon autant dire une pentalogie, comme pour les romans de Shimazaki Aki, si on compte les parties  ou une trilogie si on compte les films.



Donc nus avons 5 parties, liées au 5 sens: dans l'ordre toucher ( et on sait à quel point le Japon n'a pas une culture a priori tactile), entendre, voir, sentir et goûter.

A travers l'histoire de 4 copines qui approchent de la quarantaine. Jun et Sakurako se connaissent depuis l'école, et à leur duo se sont ajoutées, au fil du temps Fumi et Akari. Depuis les 4sont inséparables, font régulièrement des activités ensemble ( pique-niques, sorties, expositions, animations...) qui leur permettent à toutes de prendre du temps pour elles. en effet chacune doit faire face à un quotidien, au mieux  quelconque, au pire, déprimant. Leur amitié et leurs sorties sont leur soupape de sécurité, le seul moment où elles peuvent être elles-mêmes, en toute sincérité, sans avoir à ménager un mari ou une belle famille.

Sakurako est l'exemple type de la ménagère japonaise un peu cliché: femme au foyer, un mari qui travaille, un fils ado un peu difficile, une belle mère qui squatte.. toute une famille qui prend pour acquis le fait qu'elle doive passer sa vie entre la cuisine, le linge et le ménage, sans même penser une seconde à lui dire que ses plats sont bons. son mari n'est pas méchant, mais la regarde à peine, ou alors, some un élément du décor qui a de soi. Seules ses copines la félicitent, et semblent apprécier ses efforts.

Akari est pète-sec, un poil grande gueule et autoritaire, notamment dans sont travail d'infirmière. Elle est très compétente, mais se met toute seule la pression: de fait , elle est constamment sur la défensive, minée par la hantise de faire une erreur qui pourrait entraîner une catastrophe pour un patient ( et pour sa carrière: elle explique être obligée de souscrire une assurance très chère pour faire face aux frais juridiques en cas d'erreur médicale).Et son caractère très droit, limite psycho-rigide l'a menée par le passé u divorce, elle a donc aussi du mal à faire confiance aux gens. Pour elle , ses copines sont les seules qui acceptent ses sautes d'humeur et bouderies sans en prendre ombrage.

Pour Fumi, tout semble aller bien: un travail au centre culturel, un mari éditeur, serviable, qui participe aux tâches ménagères et avec qui elle discute ..sauf qu'on se rend vite compte qu'il s'agit de discussions creuses, de façade, de celles que pourraient avoir de simples colocataires. Et que consciemment ou pas chacun fait tout pour éluder les vrais sujets.

Quand à Jun.. elle avoue enfin à ses copines une chose qu'elle gardait pour elle depuis longtemps, pour ne pas peiner Akari, pour ne pas les impliquer plus que de raison: elle est en pleine procédure de divorce. Son mari n'est pas méchant, mais ennuyeux comme la pluie. Il ne se passionne pour rien hormis sont travail de biologiste et de n'est jamais soucié de ce qu'elle ressentait ( enfin ça c'est sont point de vue. Dans un sens, elle ne s'est jamais non plus vraiment soucié de chercher à le comprendre). Mais lui refuse de divorcer...

Mais voilà, 4 femmes en plein échec sentimental, en butte aux difficultés à communiquer.. mais se connaissent-elles vraiment entre-elles? Se connaissent-elles elles-même?
Le brusque départ de Jun, qui n'a pas gagné son procès ( "mon mari est ennuyeux" n'est pas une raison valide de divorcer lorsque l'autre partie s'y oppose, et ses mensonges cousus de fil blanc pour le faire passer pour méchant et sadique n'ont convaincu personne) met tout le monde face  à ce que personne ne voulait voir : d'abord parce que c'est elle qui avait fait se rencontrer ses copines de divers cercles. Leur amitié peut-elle perdurer sans celle qui en est le ciment?
Et puis 2 divorcées sur 4, ça pourrait bien donner des idées aux deux autres, qui constatent leurs échecs sentimentaux.
En tout cas, elle sème involontairement des graines de révolte dans les esprits.
Même l'ennuyeux mari se révèle moins insensible qu'il n'y paraissait, capable de réflexions profondes sur le sens de la vie... mais malgré tout ces deux là n'étaient juste pas faits l'un pour l'autre.

J'avoue que j'ai été étonnée par ce film.. long, où il ne se passe pas grand chose.
Le cinéma l'a présenté comme un film sur les gens qui disparaissent sans laisser d'adresse, et sur la réaction de ceux qui restent. Je ne m'attendais pas vraiment à quelque chose sur l'échec sentimental, le divorce et le fait d'écouter ses propres sensations et opinions, avant qu'il en soit trop tard.
Il n'y a pas beaucoup d'action, certains passages sont longs au moment du visionnage, mais sont justifiés dans la narration, comme le long moment où Fumi, son mari, Sakurako, et le mari de un prennent part à une lecture en direct d'une longue nouvelle par une jeune écrivaine...suivie d'un débat, mais leurs réactions subtiles à ce moment là vont entrainer une nouvelle lecture des personnages, la mise a clair de non-dits,etc... Ou l'atelier de "connexion sensorielle" au tout début.. qui fait prendre conscience aux copines qu'elles sont dans la survie et non dans l'écoute de leurs sensations, ce qui va mettre en place toute la prise de conscience et les réactions qui s'ensuivent.

Donc, oui,  j'ai bien aimé ce film fleuve ( et heureusement que le cinéma a décidé de programmer de manière assez rapprochée les 3 parties - spécificité de la diffusion en France apparemment, il était diffusé d'une traite au Japon, sans avoir à attendre des semaines ou des mois entre les 3 parties), a priori peu passionnant, mais que j'ai trouvé pertinent. Sans en avoir l'air, il en dit beaucoup sur une société différente de celle qu'on connait, sur ses spécificités, sur les rapports humains... qui décidément ne sont facile nulle part sur le globe, quelle que soit l'approche qu'on choisit: taire les problèmes ou les ressasser... il n'y a pas de solution miracle. Mais visiblement, rien ne se fera si l'ont ne fait pas d'abord une réflexion sur soi-même.. et ça c'est fichtrement intéressant.
Je le recommande, pour peu qu'on aime le côté tranche de vie.

Donc voilà, je n'en ai certainement pas fini avec le Japon, sa langue et sa société ( et ses onsen, le film en parle beaucoup).
Mais pour le moment, c'est la solution que je retiens: continuer à voir des films et à écouter la langue pour ne pas la perdre, à défaut de la pratiquer activement.

une critique intéressante et développée du film, où je retrouve pas mal de mon ressenti.

jeudi 5 avril 2018

De toutes les nuits, les amants - Kawakami Mieko

Voilà un livre que j'ai ms.. un an à lire.
Commencé en mars 2017, au moment où je changeais de travail, je l'avais mis en attente,  au fil des divers challenges, et je me suis enfin décidée à lire les quelques 30 pages manquantes pour ce nouveau mois japonais.



Du même auteur,je n'avais pas gardé un souvenir impérissable de Seins et Oeufs, qui a pourtant eu un succès tel que j'avais eu du mal à l'emprunter à la médiathèque, tant il était demandé.
J'ai voulu donner une nouvelle chance à Kawakami Mieko et.. force est de constater qu'une fois de plus, je suis passée totalement à côté. Je lui redonnerais peut-être à nouveau sa chance si l'occasion se présente ( je suis tenace et en général, si les 2 premières lectures sont un demi- échec, je vais jusqu'à la troisième pour être sûre. bon, ça ne sera pas dur, seuls 3 titres sont traduits en français actuellement).

Mais comme pour l'oeuvre précédente, les personnages sont si peu caractérisés qu'on peut difficilement s'y attacher.

La narratrice et.. on ne va pas dire héroïne, mais personnage principal, est une femme de 35 ans, Irié Fuyuko. Son travail de correctrice d'abord en maison d'édition puis indépendante ne l'intéresse pas, ne l'ennuie pas non plus.en fait et c'est bien le problème: RIEN ne l'ennuie ni ne l'intéresse. Elle se laisse vivre: des milliers de livres lui passent sous la main mais elle ne lit pas. Elle n'aime pas spécialement la musique, ou le cinéma, ou quoi que ce soit. Elle n'a aucune vie sociale, et refuse les sorties entre collègues, non parce qu'elle aurait quelque chose d'autre à faire mais parce que rien au monde de l'intéresse. Elle se met dans son coin, ce qui fait que les autres la mettent aussi de côté, jusqu'au harcèlement. Mais même là, sa seule réaction est de passer indépendante , histoire d'avoir encore moins de raisons de sortir de chez elle. Comment voulez-vous prendre parti pour un personnage pareil? Et même lorsqu'elle sombre dans l'alcoolisme à force de n'avoir aucun centre d'intérêt, difficile de la cerner, tant elle fait ça comme elle aurait aussi bien pu décider de tricoter pour s'occuper les mains par exemple.

Et donc cet incolore personnage va pourtant laisser 2 personnes se rapprocher d'elle. Enfin, si on peut dire: elle va plus ou moins développer une sorte d'amitié avec Hijiri, une des personnes qui lui amène du travail, et Monsieur Mitsutsuka, un professeur de physique chimie rencontré par hasard, en oubliant assez souvent que sympathiser avec quelqu'un est une chose, mais entretenir une relation implique quand même un minimum d'effort. effort qu'elle est incapable de faire sans le coup de pouce de l'alcool, et donc, elle ne s'aventure hors de chez elle que lorsqu'elle est passablement ivre.

Ca à l'air ennuyeux et.. hé bien, ça l'est. Pour moi en tout cas.
L'action n'avance jamais puisque soit Fuyuko reste chez elle à picoler, soit elle essaye de communiquer mais n'y arrive pas parce qu'elle n'a pas les idées claires. A se demander comment les autres arrivent à ne pas la planter là comme un radis devant tant d'inertie.

Dommage, parce que comme Seins et Oeufs, par moments, il y a quelques idées intéressantes, mais pas très bien menées ou exploitées. Celle de quelqu'un trop introverti qui sombre involontairement dans l'alcool pour se donner du courage est un bon départ, mais il faut quand même la faire évoluer, pas rester sans cesse à ce point A sans aller plus loin.

Il y avait aussi une idée intéressante: la seule chose qui.. on ne va pas dire intéresse, mais fasse sortir Fuyuko de son inertie, ce sont les lumières: celle qu'elle sort voir la nuit, une fois par an, le soir de son anniversaire, et qui scintillent aux fenêtres. Ce qui fait qu'elle va avoir un vague sujet de conversation avec un professeur de physique. Pour elle , les lumières sont un plaisir visuel, pour lui, c'est surtout un champ d'étude, les ondes, les photons tout ça...Ils ont un sujet d'intérêt commun, mais visiblement, pas sous le même angle d'approche.

Le traumatisme subi aussi lorsqu'elle avait 14/15 ans aurait été intéressant, mais.. non. Victime d'une agression sexuelle, mais elle n'est pas vraiment ni choquée, ni en colère, ni révoltée, ni quoi que ce soit. a peine si elle a conscience d'être une victime. On dirait que tout ça lui passe complètement au dessus, comme tout le reste.

Elle était déjà renfermée sur elle-même auparavant, a n'arrange pas les choses, mais ça n'est pas non plus l'élément déclencheur qui pour justifier ce blocage.
Hijiri est plus intéressante ( une femme forte, à qui Fuyuko aimerait ressembler, qui aime les difficultés parce qu'elle aime relever des défis) mais... peu exploitée.
Et, du coup, la toute fin ou Fuyuko et Hijiri semblent être enfin devenues vraiment bonnes copines fait presque tâche,tant elle n'a pas été suffisamment amenée pendant.. tout le reste. Il y a un trou de 2 ans entre le récit et sa conclusion, entre l'immobilisme et enfin un changement de situation.. et c'est pile ce qu'on aurait voulu savoir, comment Fuyuko a enfin réussi à surmonter ses réticences, qui est éludé.

Et c'est encore plus  déconcertant de trouver des qualités à quelque chose de si.. platounet par ailleurs. De ce que j'ai vu sur les blogs,soit on adore, soit on déteste, et bien même pas dans mon cas. Je l'ai fini juste parce qu'il ne me restait que quelques pages à lire, mais sans y trouver beaucoup de plaisir. Je ne peux même pas parler de déception, vu que je n'avais pas énormément d'attente sur ce livre.

2° lecture du même auteur, et 2°fois que je lui reproche les mêmes choses, ça s'annonce mal, je sens qu'elle n'est tout simplement pas pour moi. Alors que le courant est passé de suite avec Yoshimoto Banana par exemple. Dommage.
5 avril: thématique spéciale "plume féminine".



samedi 29 avril 2017

Les enfants-loup Ame et Yuki ( long métrage d'animation)

Dans la foulée de Totoro, le cinéma programmait aussi ce long métrage, dont je connaissais le titre et le point de départ, sans avoir encore eu l'occasion de le suivre.

Bonne surprise, donc la programmation jointe avec Totoro a du sens , on y retrouve des sujets communs: Deux enfants qui partent vivre à la campagne, loin de tout, avec un seul parent ( la mère de Mai et Satsuki est malade et hospitalisé, le père de Yuki et Ame est mort), la beauté de la nature et la liberté, loin de la grande ville, le monde rural avec ses avantages et ses inconvénients...




L'histoire commence donc, bien avant de la naissance de Yuki et Ame. Leur future mère, Hana ( fleur) ainsi nommée parce qu'elle est née au printemps, est alors étudiante en philosophie dans un banlieue plutôt tranquille de Tôkyô, et rien ne la prédestine un jour à  devenir agricultrice du fin fond de la campagne.
Plutôt extravertie, elle remarque un nouvel étudiant, un auditeur lire qui est tout son contraire, calme et réservé, et s'impose à lui. De fil en aiguille, Hana et l'étudiant finissent par sortir ensemble, jusqu'à ce qu'il finisse par lui avouer son  secret: il est un loup-garou, et s'il reste discret, c'est pour éviter d'éveiller les soupçons. Un gentil loup-garou, hein, qui n'a jamais mordu un humain.

Qu'à celà ne tienne, Hana n'est pas du genre à plaquer son petit ami pour ce genre de révélation. Après tout, elle étudie la philosophie et le prend donc.. avec philosophie. Les deux  décident donc de ivre ensemble, ont deux enfants: Yuki (neige) une fille née en hiver et Ame ( pluie), son petit frère né un jour de pluie.
Tout va pour le mieux, la famille vit modestement avec le travaille de déménageur du père, jusqu'au drame: Il meurt, subitement, noyé dans un canal, où, une nuit, sa nature de loup l'a amené à tenter d'attraper un oiseau.
Hana se retrouve donc seule avec deux enfants, et le petit pécule laissé par feu l'homme-loup, disparu avant même qu'on sache son nom.
Après quelques temps passés à joindre difficilement les deux bouts, a essayer d'élever correctement deux enfants qui ont hérité de leur père une capacité de métamorphose assez dangereuse en pleine ville, Hana tente le tout pour le tout: partir à la campagne, loin de tout, trouver une vieille maison à retaper et cultiver de quoi manger. Là au moins les enfants pourront grandir et se métamorphoser autant qu'ils le voudront loin du regard des gens.
L'arrivée n'est cependant pas si facile; Il y a peu de gens dans le coin, mais ils sont assez méfiants et critiques envers les citadins qui viennent, ne tiennent pas le coup et repartent au bout de quelques mois.
Mais Hana n'est pas du genre à se laisser démonter et de toutes façons, n'a pas d'autre solution que de s'adapter, le retour en ville avec deux louveteaux remuants étant exclus.

Une très bonne surprise donc, où finalement, le fantastique est presque moins présent que dans Totoro, puisque l'important dans cette histoire, c'est plutôt le changement radical de vie de Hana et ses enfants, qui découvrent la campagne, et la liberté. De courir et de s'amuser, et aussi de faire leurs propres choix de vie, ce qui aurait été à peu près impossible en ville.
Un film triste par moments, vu la situation, mais plein de bonne humeur.
Avec en filigrane une critique sociale intéressante sur la manière dont le Japon agit envers les mères célibataires ou veuves : pas d'aides sociales pour Hana et ses jeunes enfants, au contraire: on la prie fermement de déménager, car, lorsqu'elle travaille, elle laisse seuls ses enfants à la maison, qui font du chahut. Pire elle est même considérée comme une mauvaise mère , dans un pays où la règle tacite pour les femmes est encore d'arrêter de travailler lorsqu'on a des enfants pour s'occuper exclusivement d'eux, laissant leur père s'occuper de ramener un salaire, ce qui est impossible dans la situation présente. Les services sociaux par contre, la surveille, prêts à lui retirer ses "enfants martyrs".
Sur ce point là, ce n'est pas le fantastique qui compte, mais l'impasse où se trouve une veuve avec des enfants, citoyenne de seconde zone, qui n'a droit qu'à des miettes, et encore.

Et je ne m'attendais pas du tout à une telle critique sociale, ce qui prouve une fois de plus que l'animation est loin d'être exclusivement réservée aux adultes.

Réalisé par Mamoru Hosoda, dont je viens de me rendre compte que je n'ai pas encore vu non plus "La traversée du temps", "Summer Wars" ou "le garçon et la bête" ( les deux premiers n'avaient pas été diffusé dans ma ville, et le second, à un moment où j'étais en voyage). Le réalisateur n'a que peu de longs métrages à son actif à l'heure actuelle, mais s'est fait la main sur de nombreuses séries animées dans les années 90, et est donc vu comme un énième '"nouveau Miyazaki", au même titre que Makoto Shinkai.
Erreur, car déjà son style graphique n'a rien à voir avec celui de Ghibli, même si l'influence de Ghibli se sent sur l'attention portée au décor et dans le message écologique. Mais, et c'est tant mieux, il a son propre style.

Ghibli a fait connaître et reconnaître mondialement l'animation japonaise au delà des séries des années 80, et a ouvert la brèche pour de nouveaux réalisateurs, et ça c'est une très bonne chose.
 Avec la "retraite" ( aheum, Miyazaki-sensei vient de dire que, peut être...enfin, il a envie de réaliser un nouveau dernier film :)) des deux réalisateurs principaux de Ghibli, les distributeurs se retrouvent avec une pénurie de films à montrer, alors qu'il y a une forte attente du côté du public. Et donc, il y a fort à parier que dans les prochaines années, on puisse voir sur les écrans des choses très variées, pour notre plus grand plaisir.

La séance ciné du vendredi continue à jouer les prolongations le samedi , toujours spéciale animation

lundi 24 avril 2017

20 ans avec mon chat - Inaba Mayumi

Voilà un livre dont j'avais repéré la superbe couverture en magasin, mais que j'ai finalement acheté en version numérique, profitant de l'offre des 30 ans des éditions Picquier. Quand on n'a plus la place...
couverture française que je préfère à l'originale

Le titre original " Mî no inai asa" signifie à peu près "le matin sans Mî" ou les matins... ce n'est pas tout à fait la même intention en VO.
l'originale, moins... originale, mais avec probablement la photo de l'authentique Mî, trouvée sur le site officiel de l'auteur. Même si elle n'est plus de ce monde depuis 3 ans, le site est toujours accessible.

Tout commence en 1977 (l'année de ma naissance tiens!), lorsque Mme Inaba trouve par hasard un chaton abandonné, miaulant comme un perdu au sommet d'un grillage de collège, probablement qu'un collégien stupide l'aura accroché là pour s'amuser. Mme Inaba le sauve, ou plutôt la sauve: c'est une petite chatte, et ses miaulements forcenés lui valent très vite le nom de Miiiiiii, abrégé en Mî.
L'arrive impromptue du petit animal chez elle va chambouler sa vie. Déjà, sur un plan pratique, car lorsqu'elle et son mari doivent déménager, les choses sont compliquées: à cette époque ( et même récemment encore, je crois savoir), énormément de logeurs refusent les locataires avec animaux, afin d'éviter tout désagrément ou frictions avec les voisins surtout.
Et pourtant un chat ne prend pas beaucoup de place, en tout cas moins qu'un gros chien, mais le fait est là: trouver un logement dans ces conditions était loin d'être acquis. C'est peut-être là une raison de l'engouement pour les cafés à chats ( et plus récemment à lapins/ hiboux/ écureuils..) au Japon: la difficulté d'avoir un animal de compagnie à cause des règlements, de l'exiguité des logements et des horaires de travail...
Par la suite, Mî va s'avérer un précieux réconfort pour sa maîtresse, lorsqu'elle aura des difficultés, perdra son emploi, se séparera de son mari... Toutes choses qui paraîtrons évidentes à quiconque a ou a eu un jour un animal de compagnie.

Donc voilà, essentiellement, un récit au jour le jour de la vie quotidienne d'une dame et de son chat. L'écrivaine, dont c'est à l'heure actuelle le seul livre traduit, est aussi poète. La journée elle occupe un emploi alimentaire, ce n'est que le soir et la nuit qu'elle peut se livrer à sa passion pour l'écriture, avec la compagnie discrète de son chat, ce qui fait que les deux nouent une véritable relation d'amitié. On ne saura pas ce qu'elle écrit sur le moment, peut être le roman qu'on est en train de lire, peut être autre chose, un poème inspiré par Mî comme ceux qui ferment les chapitres du texte. Car outre l'histoire du chat et de sa maîtresse, c'est aussi le portrait d'une dame qui  peu à peu s'accepte telle qu'elle est : différente dans le Japon des années 70/80. Dès le départ, elle était différente, refusant d'arrêter de travailler, contrairement aux conventions sociales, à partir de son mariage. Le chômage dû à la au choc pétrolier de 1978 et à la récession qui s'ensuit - même si le Japon n'a pas autant été touché que d'autres pays industrialisés -est en fait pour elle un déclencheur et un moteur: le fait de se retrouver sans rien à faire , à la maison pendant que son mari travaille, ça n'est pas son truc. Et c'est l'occasion pour elle de renouer avec sa passion de toujours pour l'écriture, de trouver un travail à mi-temps chez un éditeur, ce qui lui correspond plus, utiliser se passage à vide pour envisager une vraie profession littéraire, ce qui s'avère possible lorsqu'elle gagne un prix littéraire, lui permettant de commencer à se faire éditer.. Et peu à peu arrive ce qui doit arriver, sans heurt, sans dispute: le mari est muté à Ôsaka, mais sa femme ne veut pas le suivre, trop attachée à sa nouvelle vie, à son nouveau travail, et à la ville de Tôkyô qu'elle célèbre beaucoup dans ses pages, de la maison avec jardin en banlieue à Kokubunji, où le chat peut se promener à sa ville, à l'appartement de Shinagawa (quartier portuaire sur la baie de Tôkyô), malheureusement privé d'espace libre pour Mî, dans lequel elle emménage après son divorce.

Dans cet immeuble anonyme et sans charme, elle va pourtant trouver une solution pour que Mî puisse faire un peu d'exercice, la laissant déambuler dans le couloir. La chatte en prend l'habitude, pendant que sa maîtresse écrit ... jusqu'au jour où elle se perd, hasard plutôt heureux, puisqu'il permet à Mme Inaba, solitaire, artiste et divorcée, de faire connaissance de ses voisins, surtout de sa voisine du dessus qu'elle n'avait jamais rencontrée, une autre dame célibataire et artiste peintre. Puis d'autres voisins qui nourrissent à tour de rôle un chat abandonné au pied de l'immeuble, probablement celui d'un ancien locataire qui n'a pu l'emmener en partant pour la raison évoquée plus haut. D'après les annonces immobilières, il est plus facile de se loger quand on joue d'un instrument de musique qu'avec un simple chat...

Bon comme on s'en doute au titre, ça ne finira pas bien. Les chats ne sont pas immortels, 20 ans avec un chat c'est long, si on prend en compte son espérance de vie, surtout en ayant commencé accrochée à un grillage, mais aussi court à l'échelle humaine, et l'issue ne fait aucun doute quand Mî vieillissante commence à tomber de plus en plus souvent malade.
En parallèle à sa décrépitude, c'est une ville mouvante, en perpétuel changement que nous montre mme Inaba ( on est alors en pleine bulle spéculative, après la récession, la croissance est galopante, les constructions toujours plus hautes et plus nombreuses... la bulle ne tardera pas à crever d'ailleurs).

Pas besoin d'aimer les chats pour le lire, par contre si vous les détestez, c'est mal parti. Mais un livre qui parlera à tout ami des animaux, quels qu'ils soient, et aux amateurs de tranche de vie, c'est intéressant de voir l'auteur qui évolue ( elle écrit ce récit dans les années 90, donc avec un retour sur les années 70), presque sans s'en rendre compte, comme si elle l'écrivait au fil du temps qui passe.On parle surtout de la jeunesse, puis de le vieillesse du chat, les années centrales de sa vie, en tant que chat d'appartement qui ne fait plus de découvertes et doit probablement s'ennuyer de l'herbe et des arbres, sont logiquement occultées par la découverte de soi de l'auteur, et de la ville qui l'entoure.
Un lecture plaisante, pas la meilleure que j'ai faite, mais qui change agréable de mes habitudes avec son alternance de prose et de poèmes ( je n'ai aucune idée de la formule qu'elle emploie en VO. Probablement pas du Haïku, les textes sont trop longs. A moins qu'il ne s'agisse de vers libres, je suis curieuse de le savoir, tiens)


Nous avons décidé de mettre chaque semaine une ville en avant, et bien sûr nous commençons par Tôkyô. Et bien que la ville n'apparaisse pas dans le titre, elle est un personnage important de cette histoire, que Inaba-san décrit et célèbre tout au long de ces pages. 20 ans avec mon chat est donc ma participation tokyoïte.

vendredi 7 avril 2017

Rétrospective Kurosawa (6) - Vivre (1952)

Comme je l'espérais, la rétrospective commencée l'an dernier  est reconduite cette année, dans plusieurs cinémas en Franc.
Par manque de temps (créneaux horaires compliqués) j'ai loupé Chien enragé et Le plus dignement , les deux premiers programmés.
C'est donc "Vivre" qui commence cette nouvelle saison ( à ne pas confondre avec "Vivre dans la peur" du même réalisateur)






"Vivre" c'est l'histoire de la vie ou plutôt de la fin de vie de Monsieur Watanabe, sexagénaire, employé de mairie qui n'a jamais rien fait de sa vie, hormis travailler. Ses collègues, mi médusés, mi consternés font remarquer qu'il va bientôt passer le record de 30 ans passés au travail sans jamais prendre un seul jour de vacances. Un travail ennuyeux au possible qui consiste à tamponner des formulaires administratifs à longueur de journée. 
Mais Monsieur Watanabe ne va pas très bien, un souci d'estomac, les médecins lui parlent d'ulcère, mas il a bien deviné qu'il est en fait atteint d'un cancer. Et au Japon en 1950, on ne dit pas le mot cancer, équivalent de "condamnation à mort".On préfère mentir au patient pour qu'il "vive sereinement le temps qui lui reste". et pour monsieur Watanabe, c'est 6 mois , tout au plus.



Alors l'employé modèle, qui commence naturellement par déprimer, va quand même décider d'utiliser à fond le court temps qu'il lui reste.





Et en premier lieu se payer du bon temps, avec un compagnon improvisé, écrivain sans grande espoir d'être un jour reconnu , qui va lui faire faire la tournée des grands-ducs: bars, restaurants selects, pachinko, night-clubs, clubs de strip tease, escort -girls. En 5 nuits, Monsieur Watanabe va rattraper toute la folle jeunesse qu'il n'a pas eu, et depuis qu'il est veuf, sacrifiant son temps et son argent à un fils unique qui ignorant tout, commence à songer à lui emprunter l'argent de sa future retraite.

Après quoi, rencontrant par hasard une employée pauvre de son service qui veut changer d'emploi pour faire quelque chose qui lui plaît vraiment, il va s'évertuer à lui rendre service,àlui faire des cadeaux, de manière envahissante pour la fille qui se demande s'il n'aurait pas un peu le démon de midi. Erreur. Il veut seulement passer du temps avec quelqu'un de jeune et d'énergique, c'est un peu la fille de substitution qu'il veut gâter. A elle, il va pouvoir enfin dire ce qu'il n'a pas pu dire à son fils, qui ne l'écoute même pas.




Laquelle , pleine de bon sens, lui fait comprendre que non seulement son fils ne lui doit rien, c'est monsieur Watanabe qui s'est enfermé seul dans son système. Le fils ne lui a jamais demandé de faire autant de sacrifices.
Mais que plutôt que de s'évertuer à satisfaire une personne, il y a bien UNE chose que lui seul peut faire et..
PAF!
Mort de Monsieur Watanabe. en plein milieu du film. C'est audacieux!
On découvre donc en seconde partie, via les discussions des invités à ses funérailles comment il a réussi in extrémis à donner un sens à sa vie.

Dit comme ça, ça a l'air sinistre, mais étonnamment ça ne l'est pas. Parce qu'il y a une bonne dose d'humour noir et d'absurdité dans le film: tout commence par une délégation d'habitant d'un quartier insalubre qui veulent faire couvrir les égoûts qui empuantissent leur rue, attirent les moustiques et propagent les maladies, pour mettre en lieu et place un parc avec jeux pour enfants.
Les malchanceux sont alors promenés de service en service: accueil, qui les renvoie sur l'habitat urbain, qui les envoie à l'assainissement, qui les envoie au service de la jeunesse, qui décide que ça dépend du service des égouts, lesquels penchent plutôt pour les espaces verts, qui estiment que c'est l'adjoint au maire qui va pouvoir trancher, lequel leur indique de se rendre à l'accueil...

Et cette charge contre une administration incompétente est férocement drôle. On est en 1950, le Japon sort de la guerre dans l'état qu'on connaît, et se retrouve avec un système administratif coincé là où il en était avant guerre: compliqué, vétuste et désorganisé. Ce qui est magistralement rendu par le cadrage - j'ai déjà dit à quel point je considère Kurosawa comme un maître en la matière. Employés étriqués, coincés dans une jungle de dossiers qui s'entassent derrière, à gauche, à droite, débordent des bureaux.
Ces lignes verticales isolent en particulier Monsieur Watanabe, seul avec son secret, seul et parfois flou au premier plan, déjà plus vraiment de ce monde,  avec une mise au point sur l'activité qui se passe derrière, les collègues qui trament pour savoir qui prendra sa place quand le vieux partira en retraite...


Plastiquement en plus c'est superbe. Mais, que ce cadrage est beau!

Épiques aussi, ces funérailles très dignes qui finissent en beuverie généralisée et en charge contre l'immobilisme de l'administration... et en ce qui concerne la conclusion, elle est d'un cynisme et d'une absurdité que j'hésite à qualifier entre réjouissants et consternants.

Mais donc, le film n'est pas triste, puisque le héros, plutôt que de se laisser abattre , cherche à réagir de manière un peu puérile, mais aussi constructive. Plutôt drôle donc et mélancolique aussi à l'image de ce plan où le héros chante une chanson de l'ancien temps dans une boîte à jazz, y mettant tout son coeur, chanson qu'il reprendra plus tard dans un plan saisissant de beauté, un parc sous la neige... et dans un certain sens plein d'espoir.





L'excellente idée que d'avoir pris Takashi Shimura, l' autre acteur récurrent de Kurosawa avec Toshiro Mifune, plus jeune que son rôle de sexagénaire ( il avait 47 ans), de le vieillir pour qu'il ai l'apparence d'un vieux croulant au début.. et de le faire ensuite paraître plus jeune dans la seconde partie, et sur la photo de ses funérailles: l'homme prématurément vieilli dans sa vie étriquée, qui retrouve une seconde jeunesse en apprenant qu'il va mourir et paraît donc réellement avoir rajeuni.

A tel point qu'il a l'air plus vivant sur sa photo de funérailles que pendant tout le reste du film

Un film sur la mort, paradoxalement plein d'espoir doublé d'une charge féroce contre l'administration sclérosée, "momifiée" à l'image du surnom que la jeune femme avait donné à son chef, pleine de paperasses inutiles qui prolifèrent comme autant de métastases. C'est l'administration qui est le vrai malade dans cette histoire.

J'ai adoré. J'ai l'impression de dire ça de chaque film ou presque ( mais un an après je peux dire que parmi la première fournée, ceux qui m'ont le plus marquée, et dont je me souviens le plus vivement, sont le Château de l'araignée, Vivre dans la peur et un cran encore au dessus, Ran, qui était présenté en complément par le cinéma qui programmait les autres.
Je pense que ce Vivre arrivera en bonne place dans mes favoris.
La séance cinéma du vendredi commence avec Kurosawa ( Akira, je précise car un second Kurosawa commence à se faire connaître)