Difficile de résumer globalement un recueil de nouvelles, par essence disparates. Certes des thèmes communs surnagent, la mort, le renoncement, la superstition, l’opposition entre le Japon traditionnel – et les traditions féodales, et la modernité qui menace de submerger ces traditions, le tout lié par un pessimisme presque total.
La Mort en été,
donc, narre la dépression d’une mère de famille suite à la mort de deux
de ses enfants et de sa belle sœur, et son lent retour la vie. La fin
étant plutôt ouverte, on peut assez facilement la voir en négatif, comme
en positif, je pencherai plutôt pour cette seconde option, au vu du
cheminement intérieur de l’héroïne : la tristesse est toujours là, mais
il faut l’accepter, prendre sur soi, et surtout, comme l’exige la
bienséance à la japonaise. Pas très joyeux, mais cependant, une lueur
d’espoir.
3 millions de Yens, m’a rappelé de loin l’ambiance des Choses
de Perec, dans sa peinture d’un couple pour qui l’argent et le bien
être matériel sont une obsession. De loin seulement, car là où les héros
des choses sont dépensiers, les protagonistes de 3 millions sont
parcimonieux à l’extrême, chipotent sur le moindre yen, et acceptent
l’humiliation des riches pour amasser de l’argent ( on ne saura pas au
final, de quelle nature exactement est cette humiliation, au lecteur
d’imaginer).
Les bouteilles thermos.
Une nouvelle qui ne m’a pas marquée plus que ça, un japonais expatrié
aux Usa retrouve par hasard une ancienne maîtresse et sa fille, se
rappelle temps passé avec elle, avant de rentrer au pays retrouver son
épouse, soumise comme il se doit. Pas très palpitant, la faute à une
narration peu fluide. C’est celle, avec l’histoire du prêtre de Shiga et
les sept ponts, qui accuse le plus le coup de la double traduction ( du
Japonais à l’anglais, de l’anglais au français, à la demande expresse
de Mishima. ). On sent qu’on passe à côté de quelque chose, et c’est
dommage.
Le prêtre du temple de Shiga,
la nouvelle suivante donc, pâtit aussi d’une narration alourdie par la
traduction. La conception bouddhiste de l’autre monde est intéressante,
le parallèle entre les 2 personnages, obsédés par la perte de la pureté
et donc du droit à accéder au Pays Pur, n’est pas sans intérêt non plus,
mais c’est un petit peu long.
Patriotisme :
A coup sûr, LA nouvelle choc du recueil. Les dernières heures,
ressenties de l’intérieur, d’un militaire et de sa femme qui ont décidé
de se suicider pour raison politique. A l’érotisme de la scène
précédente succède la description par le menu du rituel de Seppuku ( et
son équivalent pour la femme, consistant à couper la carotide avec un
poignard, le nom de Jigai n’est jamais mentionné, le seppuku proprement
dit étant un suicide très ritualisé réservé aux hommes). Nouvelle
d’autant plus perturbante si on sait qu’elle a été adaptée au cinéma
avec Mishima lui-même dans le rôle du lieutenant suicidaire. Et d’autant
plus impossible à lire de nos jours sans penser que l’auteur mettait
déjà en scène son propre suicide par Seppuku quelques années plus tard.
Dojoji et Onnagata,
les deux textes suivants, sont intéressants dans le sens où ils
explorent les deux facettes du théâtre japonais traditionnel, qui tente
de perdurer à l’époque contemporaine.
Dojoji,
une saynète absurde qui met en scène la vente aux enchères d’une énorme
armoire interrompue par l’irruption d’une femme assez dérangée, est
intrigante. Elle ne m’avait pas emballée, jusqu’à ce que je fasse des
recherches sur ce titre bizarre . En fait il s’agit de la
ré-interprétation par Mishima d’un sujet classique de théâtre Nô : Une
femme poursuit de ses assiduités un moine du temple Dojoji, qui se
retrouve coincé sous une cloche de bronze. La femme s’avère être une
sorcière, qui se changeant en dragon, cuit le pauvre moine à l’étouffée
sous sa cloche. Sachant cela, j’ai pu a apprécier l’ironie du
détournement, en tout cas, ça m’a donné envie d’en savoir plus sur le
Nô.
L’onnagata donne
a voir de l’intérieur, la préparation d’une pièce de Kabuki, l’autre
forme du théâtre japonais. Le héros tombe amoureux sans s’en rendre
compte d’un onnagata, à savoir l’acteur spécialisé dans les rôles
féminins (là aussi quelques recherches rendent la chose plus
intéressante : le Kabuki était à l’origine un théâtre de femmes, des
femmes travesties jouant les rôles masculins, mais, suite à un décret,
les femmes en ont été évincées, et comme dans le théâtre grec, certains
acteurs hommes se sont donc spécialisés dans les rôles travestis). Au
passage, la nouvelle permet de mieux cerner peut-être une des raisons du
mal être de l’auteur, difficile à assumer dans le Japon des années
50/60.
Les langes, comme les sept ponts, n’a rien de particulier, trop court pour vraiment intéresser.
La Perle,
chose surprenante , est une nouvelle plutôt drôle : une dame de la
bonne société invite d’autres dames de la bonne société à son
anniversaire. La perle de sa bague se détache te disparaît, ce qui va
amener peu a peu toutes ces dames à se soupçonner mutuellement : l’une
d’entre elle l’à-t-elle mangée par mégarde en la prenant pour une
décoration du gâteau, ou pire : Y aurait-il une voleuse parmi elles ? La
bonne société, ses codes et ses principes sont passées à la moulinette
avec un humour inattendu au milieu de tous ces textes sombres, et ça
fait du bien.
Donc, globalement un avis positif, j’en retiens surtout les 2 textes sur le théâtre, pour m’avoir donné envie d’en savoir plus, Patriotisme, pour son côté choc et sans fard, et la Perle, pour son humour.
le Seppuku (sans images gores, rassurez-vous!)
Ah ça me donne envie de le lire, je le note sur ma liste.
RépondreSupprimerHello! bienvenue sur ce 2° blog, en espérant te donner plein de nouvelles idées de lectures.. et peut être de voyages!
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